Renforcer les stratégies locales de rénovation énergétique
Les stratégies de rénovation énergétique doivent être adaptées au contexte local et pensées de manière intégrée. Le quartier, par son échelle et sa relative homogénéité, se prête particulièrement aux approches locales et intégrées de rénovation. Positionnées à l’interface entre les parties prenantes et au plus près des enjeux spécifiques de terrain, les collectivités jouent un rôle-clé pour les mettre en œuvre.
Cependant, elles manquent souvent d'outils adaptés, de financements flexibles et des données nécessaires à une action ciblée. Il est donc essentiel de renforcer les instruments permettant l’élaboration de stratégies de rénovation énergétique locales et intégrées.
« L'objectif de décarbonation en France implique de réaliser, à partir de 2030, 900 000 rénovations énergétiques performantes et globales par an, un défi considérable comparé aux moins de 100 000 rénovations effectuées en 2023 . De son côté, l’Allemagne vise à doubler son taux de rénovation, actuellement proche de 1 %, afin d’atteindre un parc immobilier climatiquement neutre d’ici 2045. » (IDDRI, 2024)
En bref
- Les spécificités climatiques, bâtimentaires, économiques et sociales de chaque territoire doivent être prises en compte pour garantir des projets de rénovation efficaces et adaptés.
- Le programme KfW 432 a montré que des approches flexibles, intégrant différentes dimensions écologiques et énergétiques, peuvent être appliquées avec succès à l'échelle du quartier. Le gouvernement allemand devrait le réintroduire et le gouvernement français pourrait s’en inspirer.
- La création de bases de données bâtimentaires croisées avec des données socio-économiques anonymisées est essentielle pour concevoir des stratégies de rénovation énergétique adaptées et socialement ciblées.
À Chemnitz, le quartier Brühl, avec ses bâtiments datant de la fin du 19e siècle, a radicalement changé de visage depuis le début des années 2010. 90 % des logements ont été rénovés énergétiquement, la promenade commerciale a été revitalisée et un réseau de chaleur basse température a été installé. En a résulté une baisse drastique de la vacance, permise aussi par le maintien de loyers abordables.
Un levier essentiel de cette métamorphose a été le programme national KfW 432, dont de nombreuses villes allemandes se sont saisies jusqu’à sa suppression début 2024. Il finançait l’élaboration de concepts intégrés de quartier et une expertise indépendante pour valider la qualité des travaux réalisés. À Chemnitz, il a été combiné aux programmes classiques de rénovation urbaine. Grâce à sa flexibilité, le programme KfW 432 a permis de concevoir des interventions sur mesure, intégrant, en plus des aspects énergétiques, d’autres objectifs de la transition écologique et sociale.
Le succès du projet de rénovation du quartier Brühl tient aussi à un usage efficace de données spécifiques à chaque bâtiment. La Ville les a rassemblées en travaillant avec le fournisseur d’énergie concerné et en se servant de données issues des archives de l’ex-RDA.
En France, une loi de 2010 a introduit l'obligation de transmettre à l'Agence de la transition écologique (ADEME) les diagnostics de performance énergétique (DPE). Cette collecte permet de rendre ces données accessibles aux collectivités via des outils de visualisation.
De son côté, l'Allemagne n’a pas encore mis en place de registre national des bâtiments. La directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) impose, dans sa version adoptée en 2024, la création par tous les États membres d’une base de données sur la performance énergétique des bâtiments.
Nos propositions d'action
Les collectivités manquent de marges de manœuvre pour élaborer des stratégies de rénovation énergétique adaptées. En s’inspirant du programme allemand KfW 432 et de sa polyvalence, les dispositifs existants à l’échelle du quartier doivent permettre aux collectivités d’adapter les rénovations aux contextes locaux.
Dans cet objectif, le gouvernement français devrait :
- généraliser la démarche ÉcoQuartier lors des réhabilitations de quartiers prioritaires (QPV) menées par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) et intégrer systématiquement la recherche de sobriété immobilière et de rationalisation des espaces de logement dans les objectifs transversaux des chartes ÉcoQuartier ;
- laisser aux collectivités des marges d’adaptation dans la planification des chantiers au sein des conventions ANRU. La prise en compte de l’expertise présente parmi les professionnels au niveau local permet notamment d’éviter les démolitions et de favoriser des réhabilitations innovantes ;
- sur le modèle de l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs de la ville durable », favoriser les innovations pour la rénovation du bâti ancien par la conception de projets réplicables à l’échelle du quartier.
Lisez aussi notre recommandation « Favoriser une utilisation plus sobre du parc résidentiel existant ».
Par ailleurs, pour s’assurer de la compatibilité entre les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les objectifs de rénovation contenus dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), le dialogue à l’échelle des territoires doit être renforcé et inclure les acteurs déconcentrés de l’État, dont les architectes des Bâtiments de France.
Le Forum pour l’avenir recommande au gouvernement allemand de renouer avec l’esprit du programme KfW 432, supprimé en 2024 à la suite de coupes budgétaires fédérales, malgré sa polyvalence et les puissants effets de levier et de synergies entre acteurs qu’il a pu susciter. Cela implique non seulement de valoriser l’approche par quartier dans les documents de référence pour la rénovation, mais également de lui consacrer des moyens dédiés au sein de programmes existants.
En Allemagne, l’accès aux données sur les bâtiments pose souvent problème aux collectivités qui souhaitent mettre en place des stratégies de rénovation ciblées. La France est plus avancée sur ce sujet. La base de données nationale des bâtiments, développée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), croise différentes sources pour faciliter l’élaboration de stratégies de rénovation. La plateforme publique data.gouv développe le référentiel national des bâtiments, qui vise à créer un identifiant pour chaque bâtiment, facilitant le croisement des données.
Ces chantiers doivent être poursuivis et l’accessibilité des données devrait être renforcée pour tous les acteurs de la rénovation énergétique, notamment les espaces conseils France Rénov’ (ECFR). Dans cet objectif, la Ville et Métropole de Brest préfigure actuellement un service public de la donnée au niveau local : la collectivité, qui joue le rôle de tiers de confiance, cherche à renforcer l’accès en open source de données utiles à l’élaboration de politiques publiques orientées vers l’intérêt général, parmi lesquelles la rénovation énergétique.
Le Forum pour l’avenir recommande au gouvernement allemand de suivre l’exemple français en inscrivant dans la loi l’obligation de transmettre les diagnostics de performance énergétique à une agence de l’État. Il préconise également de mettre en place une plateforme en ligne accessible aux collectivités, combinant les données bâtimentaires pertinentes à des données socio-économiques, sur le modèle parisien d’EnerSIG (voir plus bas, rubrique Autres inspirations).
Autres inspirations
Grâce à la co-construction d’une charte avec les parties prenantes, des objectifs ambitieux intégrant de nombreux enjeux de transition écologique ont pu être fixés. Le bailleur social Pau Béarn Habitat, engagé dans la charte, rénove 1 400 logements sociaux selon les standards Bâtiment Basse Consommation (BBC) sans augmenter les loyers. La collectivité a déjà réalisé des améliorations sur les équipements et les espaces publics, pour articuler les temporalités du projet et attirer l’investissement privé.
Brest Métropole, via l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateur de la ville durable », a conçu un projet de rénovation du centre-ville. Les possibilités techniques et financières pour améliorer la performance énergétique, l’accessibilité et la végétalisation ont été étudiées à l’échelle de l’îlot bâtimentaire. Cette approche pourrait contribuer à massifier les rénovations, si les conditions de son succès et de sa réplicabilité étaient remplies. Des ressources financières et humaines ciblées sont en effet nécessaires pour animer une mise en œuvre et inciter les propriétaires à concrétiser les travaux.
Il englobe plusieurs quartiers et plus de 750 unités d’habitation. La similitude des bâtiments permet d’y appliquer une rénovation en série, optimisant ainsi l’efficacité des travaux. Ce projet souligne l’importance des connaissances locales du bâti pour concevoir et mettre en œuvre des solutions innovantes.
Accessible aux agents territoriaux, cet outil permet de cibler les moyens vers des îlots aux caractéristiques similaires. Au niveau national, la transmission obligatoire des diagnostics de performance énergétique (DPE) et le registre national des copropriétés alimentent les bases de données bâtimentaires. Elles sont ensuite intégrées dans divers outils de visualisation, comme la plateforme Go Rénove qui répertorie tous les DPE par adresse.