Favoriser une utilisation plus sobre du parc de logements
Aujourd’hui angle mort de la transition énergétique, ce phénomène freine les résultats obtenus grâce aux mesures d’efficacité. Des politiques publiques sont donc nécessaires pour favoriser, de façon socialement acceptable, un usage plus intense des surfaces de logement. En France comme en Allemagne, certaines initiatives locales s’y attèlent déjà : bourses d'échange de logements, aide à l'achat de logements anciens, taxe contre la vacance ou service de conseil pour la reconfiguration des logements... Ambitieuses mais isolées, ces démarches ont besoin du soutien des pouvoirs publics à l’échelle nationale pour gagner en ampleur et se généraliser.
« La consommation finale du secteur résidentiel est assez stable depuis 10 ans. Les effets à la baisse de l’amélioration de l’efficacité énergétique des nouveaux bâtiments et de la rénovation des bâtiments existants sont contrebalancés par l’augmentation du nombre d’habitations occupées. » (Programmation pluriannuelle de l’énergie, 2019-2023 ; 2024-2028)
En bref
- Les objectifs d'économie d'énergie dans le secteur du logement seront d’autant mieux atteints si, parallèlement à la rénovation thermique, un usage sobre des surfaces de logement est encouragé.
- Certaines collectivités mettent en place des mesures pour mobiliser les potentiels sous-utilisés du parc de logements existant, créer de nouveaux logements sans construction neuve et favoriser la mobilité résidentielle.
- Ces démarches locales doivent être mieux soutenues par l'État, tant sur le plan technique que financier. Une réaffectation des aides à la construction neuve vers la mobilisation de l’existant peut permettre d’atteindre cet objectif tout en contenant les efforts financiers à fournir.
Inspirations locales
Une des mesures centrales de son Plan d'action pour le logement abordable est la création d'une Agence locale pour le logement. Ce service identifie les quartiers où les surfaces de logement sont peu utilisées. Il accompagne les particuliers désireux d’emménager dans un logement plus petit, de transformer leur habitat ou de créer une colocation. La création de l'agence a été accompagnée par le projet de recherche OptiWohn, financé par le ministère fédéral de la recherche (BMBF).
La petite commune alsacienne a introduit en 2015 une taxe sur les logements vacants. Cette mesure va de pair avec un accompagnement technique et financier des propriétaires de bâtis vacants pour la rénovation énergétique de leur immobilier. Cette démarche de sobriété a permis, en 5 ans, de créer l'équivalent d'un lotissement sans construction neuve.
Depuis 2007, la commune subventionne l'expertise, l'achat et la rénovation de maisons datant d'au moins 25 ans. Le montant de l'aide dépend du nombre d'enfants du foyer des acquéreurs. Ce programme a permis l'arrivée de jeunes dans la commune sans passer par la construction de lotissements neufs. En 2024, le gouvernement fédéral allemand a mis en place un programme Jung kauft Alt à l'échelle nationale.
Nos propositions d'action
Promouvoir une meilleure utilisation du parc de logements existant est une tâche complexe. Un programme national dédié devrait être mis en place pour accompagner les collectivités dans l’identification des potentiels, la définition d’une stratégie cohérente, la mise en œuvre et l’évaluation de mesures concrètes. Ce programme devra aussi rendre visibles les bonnes pratiques et contribuer ainsi au développement d’une nouvelle culture de la production de logements.
En France, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourraient être chargées d’un programme dédié spécifiquement à la sobriété immobilière. Il proposerait aux collectivités un accompagnement spécifique et la mise à disposition d’une ingénierie pour expérimenter des approches innovantes.
En Allemagne, le Forum pour l’avenir appelle à ce que les programmes nationaux de développement urbain intègrent pleinement l’enjeu de la sobriété immobilière. Il suggère notamment d’introduire des incitations pour que l’intensification des usages du parc de logements soit davantage prise en compte dans les projets d’aménagement urbain.
En Allemagne comme en France, la construction neuve a longtemps été le moyen privilégié pour répondre à la demande de logements. Aujourd'hui, les aides publiques doivent être repensées pour s’aligner avec les objectifs de sobriété foncière et énergétique, et être orientées vers la mobilisation de biens existants plutôt que vers la construction neuve. En France, par exemple, le Prêt à taux zéro devrait favoriser davantage l’achat de biens existants plutôt que neufs. Le programme « Les jeunes achètent de l’ancien » (Jung kauft Alt), que l’Allemagne prévoit d’étendre à tout le territoire, peut servir d’exemple en ce sens.
Par ailleurs, les mécanismes fiscaux dont disposent les collectivités pour mobiliser les logements existants devraient être renforcés, pour leur donner plus de capacité d’action en faveur de la sobriété foncière et immobilière. Par exemple, la taxation des logements vacants, actuellement limitée aux zones tendues, devrait être rendue accessible à toutes les collectivités. De même, l'augmentation du plafond de majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires que peuvent appliquer les collectivités pourrait en renforcer l'efficacité.
Dans les deux pays, l'accompagnement à la rénovation énergétique devrait systématiquement inclure des réflexions sur l'usage des surfaces de logement. Le conseil aux particuliers désireux de rénover leur habitat est une opportunité à saisir pour les informer sur les possibilités d'adapter leur logement à l'évolution de leurs besoins, par exemple en en sous-louant une partie ou en le subdivisant s'il est devenu trop grand.
Les conseillers France Rénov' devraient être formés pour mieux comprendre et intégrer à leur accompagnement le potentiel d'une gestion rationalisée des espaces. De plus, l'offre de conseil du service public de la rénovation devrait être mieux articulée avec d'autres dispositifs publics d’action sur l’habitat privé, comme celui proposé par Villes Vivantes.
Autres inspirations
En juillet 2024, l’ADEME a lancé la première édition des « Trophées de la sobriété foncière et immobilière » pour promouvoir les projets exemplaires favorisant l’intensification des usages du parc bâti et des espaces urbains. Partant du constat que les initiatives concourant à la sobriété foncière et immobilière sont de plus en plus nombreuses mais demeurent hétérogènes dans leur forme et leur portée, l’ADEME souhaite encourager une meilleure diffusion des bonnes pratiques pour inspirer d’autres porteurs de projets. Un tel programme pourrait être élargi pour que les territoires bénéficiaires soient accompagnés dans l’élaboration de leurs stratégies de sobriété immobilière.
Financée par les collectivités locales, cette start-up d’urbanisme propose aux particuliers désireux de faire évoluer leur logement un accompagnement gratuit par des architectes. Qu’il s’agisse de reconfigurer une maison vacante pour la vendre, de réaliser une extension pour accueillir un prochain enfant plutôt que de construire une maison neuve ou de créer une entrée supplémentaire pour sous-louer une partie d’un grand logement… En fournissant l’ingénierie nécessaire, Villes Vivantes contribue à créer de nouveaux logements sans construction neuve et à adapter le parc à la demande contemporaine d’habitat.