La sobriété peut-elle résoudre la crise du logement ?


Des solutions locales concrètes
En 2021, Brest voit sa population étudiante augmenter rapidement et le nombre de places disponibles en résidence universitaire s’amenuir. La Métropole réagit en lançant une campagne de communication invitant les habitants à louer une chambre à un étudiant. Une solution astucieuse qui, en plus de mobiliser les espaces sous-occupés ou non-utilisés, favorise aussi la cohésion intergénérationnelle. Car ce sont souvent les personnes âgées qui, suite au départ de leurs enfants, occupent de grands logements – dont elles peuvent (sous-) louer une partie à de jeunes adultes.

Si une campagne de communication seule ne suffit pas à résoudre la pénurie de logements, la démarche de Brest invite toutefois à repenser les approches traditionnelles des politiques de l’habitat, souvent axées sur la construction neuve. Thomas Spinrath et Marion Davenas ont exploré de nombreuses démarches locales qui, comme à Brest, visent à favoriser une utilisation plus sobre du parc de logements. Dans la publication Habiter mieux, consommer moins, ils proposent six pistes de réflexion inspirées de ces retours d’expérience et du dialogue franco-allemand.
Qu’il s’agisse de sous-location, de reconfiguration de l’habitat ou d’échange de logements : le parc immobilier existant recèle un potentiel considérable pour la création de nouveaux logements. Le chercheur allemand Daniel Fuhrhop estime que réduire la sous-occupation permettrait de générer près de 100 000 nouveaux logements par an en Allemagne. Mieux utiliser le « déjà-là » permet aussi d’éviter les surconsommations d’énergie, de sols et de ressources liées à la construction.
Les gains multiples de la sobriété
Acteurs de proximité, les communes disposent de multiples leviers pour promouvoir la sobriété résidentielle. L’objectif écologique est rarement la motivation première de leurs démarches. Mobiliser l’existant répond souvent à d’autres priorités. C’est le cas du programme Jung kauft Alt (Les jeunes achètent de l’ancien) initié par la petite ville allemande de Hiddenhausen. Faisant face au déclin démographique et au vieillissement de sa population, elle a fait le choix de subventionner l’acquisition et la rénovation de logements anciens par de jeunes familles plutôt que d’accroître son attractivité en proposant des terrains à bâtir bon marché. La municipalité a ainsi revitalisé ses cœurs de villages en attirant de nouvelles venues, tout en limitant de nouvelles constructions en extension urbaine.

Une autre démarche consiste à favoriser la reconfiguration des logements pour les adapter à l’évolution des besoins, ou à faciliter les déménagements vers des logements plus petits. Plusieurs enquêtes montrent qu’en France et en Allemagne, environ un quart de la population envisagerait de déménager vers un logement plus petit (Gaspard 2024 ; WWF Deutschland 2024). Cette propension est plus élevée encore chez les 60-69 ans, qui sont aussi les plus représentés dans les logements sous-occupés. Encourager et faciliter la mobilité résidentielle des ménages qui y sont disposés constitue un levier intéressant pour réduire la sous-occupation du bâti. Si des opportunités d’échange de logement attractives existent à l’échelle du quartier, alors la sobriété n’est pas synonyme de contrainte. Elle permet au contraire d’élargir la liberté de choix en proposant une offre plus diversifiée et ajustable à l’évolution des besoins. Aujourd’hui, faute d’alternatives, de nombreuses personnes restent dans des logements devenus trop grands et inadaptés.
D’où la nécessité de politiques publiques innovantes
Le défi de la sobriété résidentielle est immense : le logement, entre pénurie et sobriété, est un sujet complexe qui nécessite des réponses plurielles. Dans le contexte actuel, les démarches locales de sobriété évoquées sont prometteuses, mais elles affichent encore un impact restreint. Elles peinent à s’imposer face aux dynamiques dominantes du marché immobilier et aux paradigmes traditionnels des politiques du logement.
Pour renforcer l’appel à remettre en question le modèle traditionnel de production de logement formulé dans ses recommandations de politique publique, cette publication met en lumière l’importance cruciale de la sobriété immobilière pour la transition énergétique (et écologique) et les nombreux co-bénéfices qu’elle peut générer. Les nombreux exemples locaux recensés par le Forum pour l’avenir montrent que le changement est en cours.
📄 Découvrez les six pistes de réflexion issues du dialogue franco-allemand dans la publication « Habiter mieux, consommer moins. 6 thèses sur la sobriété résidentielles issues du dialogue franco-allemand »