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Réenchanter la sobriété

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Cette carte postale dessinée par Ingrid de Saint-Aubin pour Virage Énergie vise à offrir une expérience visuelle de sobriété partagée.
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Cette carte postale vise à offrir une expérience visuelle de sobriété partagée. | Crédit photo : Ingrid de Saint-Aubin pour Virage Énergie
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En Allemagne, peu de responsables politiques osent parler des changements de comportement nécessaires à la transition écologique, tandis qu’en France, la sobriété reste axée sur les « petits gestes » individuels. Dans une nouvelle publication, Marion Davenas et Thomas Spinrath appellent à une approche plus structurelle, concrète et ambitieuse de la sobriété dans les deux pays.
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En Allemagne, le terme Suffizienz – équivalent de la sobriété – est encore largement absent de l’espace médiatique et politique. Un contraste frappant avec la France, où la sobriété s’est imposée dans la dernière décennie comme un incontournable des politiques de transition écologique. Pourtant, dans l’Hexagone, elle est encore majoritairement abordée sous l’angle des « petits gestes » individuels du quotidien, mobilisés surtout au moment de la crise d’approvisionnement énergétique.

Ainsi, malgré une visibilité contrastée de la sobriété dans le débat public, les deux pays ont en commun une absence notable de mesures ambitieuses et structurelles propices à promouvoir des changements de pratiques durables et significatifs. C’est pourtant une condition sine qua non de la transition écologique, car la neutralité carbone ne pourra être atteinte sans réduire significativement la demande en ressources.

Dans Comment réenchanter la sobriété ? Marion Davenas et Thomas Spinrath proposent six pistes de réflexion inspirées du dialogue franco-allemand animé pendant plus de deux ans par le Forum pour l’avenir entre communes, experts et praticiens des deux pays. Leur plaidoyer est clair : pour déployer durablement leurs effets, les politiques de sobriété doivent s’appuyer sur des mesures structurelles et socialement acceptables, seules capables de libérer la sobriété de sa réputation de contrainte et de privation.

Si elle est pensée uniquement comme une politique de réduction de la demande sans notion de justice sociale, la sobriété risque d’aggraver le manque sans réduire les excès. C’est notamment le cas quand les incitations à la modération reposent uniquement sur une hausse des prix indifférenciée, qui pèse bien plus lourdement sur les ménages modestes que sur les foyers aisés. Pour les personnes en situation précaire, une politique de sobriété ne doit pas signifier encore plus de restrictions, mais au contraire un accès plus équitable aux ressources.

Des initiatives locales montrent qu’il est possible d’allier sobriété et justice sociale. À Karlsruhe, le programme « Wohnraumakquise durch Kooperation » (acquisition de logements par la coopération) donne des garanties aux propriétaires de logements vacants pour que ceux-ci puissent être rendus disponibles à des ménages en difficulté. Ainsi, la municipalité contribue à un meilleur usage du parc immobilier existant qui bénéfice aux personnes ayant un accès restreint au marché du logement.

Un autre exemple est celui de la tarification progressive de l’eau, mise en place par exemple à Dunkerque, Montpellier et Libourne. Les premiers mètres cubes, considérés comme essentiels, sont facturés à un tarif réduit ou gratuits, tandis que les consommations plus élevées sont progressivement surtaxées. À Montpellier, par exemple, chaque habitant bénéficie de 15 mètres cubes d’eau gratuits par an. Au-delà, la tarification augmente progressivement. Cela conduit à ce que les gros consommateurs payent plus, sans que les petits consommateurs ne soient pénalisés par une hausse des prix généralisée.

Le défi est clair : rendre la sobriété à la fois efficace, désirable et équitable. Nos modes de vie doivent évoluer, mais sans creuser les inégalités, qui alimentent le sentiment d’injustice, renforcent les résistances aux politiques climatiques et favorisent la montée du vote populiste et anti-démocratique.

📄 Découvrez les six pistes de réflexion issues du dialogue franco-allemand dans la publication « Comment réenchanter la sobriété ? 6 thèses issues du dialogue franco-allemand »