Renforcer les structures et la culture de coopération inter-institutionnelle au niveau local
« ‹ Territoires d’innovation › a impulsé, sur le Dunkerquois, une formidable énergie créative pour réfléchir ensemble, innover ensemble, décider ensemble, travailler ensemble et, bien sûr, vivre ensemble. C’est ‹ l’esprit de Dunkerque ›, cette capacité à créer le collectif, à fédérer, à rebondir, à s’adapter pour inventer demain. »
Patrice Vergriete, maire et président de la communauté urbaine de Dunkerque
Depuis les années 1980, des collectivités territoriales, des acteurs économiques et des associations travaillent ensemble au développement d’une écologie industrielle sur le territoire de Dunkerque. Cette coopération bénéficie depuis 2019 de l’appui du programme national Territoires d'innovation. Cette expérience montre que des alliances locales d’acteurs institutionnels divers, lorsqu’elles reçoivent le mandat et les ressources adéquates pour coopérer, sont capables de développer ensemble des projets politiques communs ambitieux pour la transition écologique et sociale – y compris au-delà des frontières administratives territoriales.
Le changement climatique ne s'arrête pas aux frontières administratives. Les autorités locales ne peuvent pas engager la transition écologique et sociale en faisant cavalier seul. Comme le montrent les expériences des villes de Marbourg, Loos-en-Gohelle, Dunkerque et La Rochelle, les politiques climatiques ne nécessitent pas seulement une diversité de coopérations, mais aussi une véritable culture de la coopération soutenue par des structures adéquates. Le Forum pour l’avenir distingue trois formes de coopération « horizontale » :
- la coopération entre collectivités territoriales voisines au sein d'une région, encore insuffisante ;
- la coopération, naissante, entre les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile et du monde scientifique pour construire et réaliser une vision commune de la transition écologique et sociale ;
- la coopération au sein de réseaux (trans)nationaux favorisant les échanges et l’apprentissage mutuel, méritant un soutien plus pérenne.
Des exemples positifs montrent la valeur ajoutée de ces formes de coopération horizontale : les regroupements d’acteurs publics et privés, tels que les Agences régionales de l'énergie dans le Bade-Wurtemberg ou les Agences et observatoires régionaux de l'énergie et de l'environnement en France, facilitent considérablement la planification, la mise en œuvre et l'évaluation communes de projets régionaux de transition écologique. Ce type d’agences est toutefois rare en Allemagne.
La coopération entre les acteurs locaux n'est souvent pratiquée que de manière très limitée. Cela s'explique principalement par le fait que cette forme de coopération, bien qu’utile, est une tâche atypique et chronophage pour l'administration et les autres parties prenantes. Elle demande l'établissement d'une relation de confiance, la connaissance et la compréhension des perspectives des autres acteurs et une capacité de coordination – ce qui nécessite des ressources, des lieux et des structures. L'exemple de la communauté urbaine de Dunkerque illustre l'effet positif que peuvent avoir les incitations du niveau national sur les coopérations locales. En réponse à la crise industrielle des années 1980 et à la faveur d’appels à projets nationaux s’est opéré un rapprochement entre l’agglomération de Dunkerque et les acteurs privés autour de l'écologie industrielle. Cet historique de coopération fut déterminant dans la sélection du projet dunkerquois par le programme national Territoires d'innovation, qui en avait fait un critère de sélection principal et soutient depuis 2019 son approfondissement.
Les expériences de plusieurs collectivités territoriales montrent que les échanges au sein de réseaux tels que Villes Pairs, La Fabrique des transitions, Energy Cities, BioCanteens (URBACT), Climate Alliance et TANDEM, sont précieux pour disséminer des réussites locales. L'organisation d'échanges de qualité nécessite toutefois du temps et des compétences. Or, la plupart des réseaux mentionnés disposent de moyens financiers et humains limités dans le temps. La reconnaissance de leur pertinence devrait aller de pair avec le renforcement de leurs moyens.
La France et l’Allemagne ont identifié l’importance d’une coopération entre collectivités territoriales pour engager une transition écologique et sociale. En France, les lois Grenelle ont organisé et développé ce type de coopération ; en Allemagne, le gouvernement fédéral s'engage dans l'accord de coalition de 2021 à « surmonter collectivement la crise climatique » et à « tenir compte des expériences et des besoins des Länder et des communes » dans la mise en œuvre de nouvelles lois.
Cependant, l’urgence climatique exige d’aller beaucoup plus loin. Les expériences locales montrent que sans cette coopération, les collectivités territoriales ne peuvent pas mettre en œuvre des mesures climatiques ambitieuses. Le Forum pour l’avenir franco-allemand demande donc aux gouvernements français et allemand de soutenir durablement la coopération entre les collectivités territoriales au-delà de leurs frontières administratives et avec les acteurs de leur territoire.
Propositions d'action
Le Forum pour l’avenir franco-allemand formule les propositions d’actions suivantes :
Les programmes de financement qui s’adressent aux collectivités territoriales françaises et allemandes devraient, dans leurs critères de sélection, favoriser explicitement la coopération avec les collectivités voisines et/ou les acteurs du territoire (société civile, acteurs économiques et scientifiques). L’exemple de l’appel à projets Territoires d’innovation en France montre l’importance d’une approche en deux temps :
- Une phase préalable d’appel à manifestation d’intérêt, durant laquelle un financement approprié donne aux acteurs locaux le temps et les ressources nécessaires pour concevoir ensemble un projet collectif, sur lequel s’appuiera leur candidature à l’appel à projets.
- La phase d’appel à projets, qui permet de financer la mise en œuvre des projets lauréats.
La combinaison de ces phases devrait couvrir une période d'éligibilité d'au moins six ans.
Le Forum pour l’avenir franco-allemand formule les propositions d’actions suivantes :
Les gouvernements français et allemand devraient assurer un soutien financier durable aux réseaux régionaux, nationaux et transnationaux de collectivités territoriales. Ces réseaux rendent possible l'expérimentation collective et l'apprentissage entre pairs, par exemple entre les agents des collectivités territoriales travaillant sur les politiques climatiques.
Le Forum pour l’avenir franco-allemand recommande au gouvernement fédéral allemand la mesure supplémentaire suivante :
Le gouvernement allemand devrait encourager la mise en place d'agences régionales de l'énergie et de l'environnement sur l'ensemble du territoire, à l’image du modèle français des Agences et observatoires régionaux de l'énergie et de l'environnement. Celles-ci devraient travailler en partenariat avec les acteurs publics et privés du territoire pour soutenir et accompagner les territoires dans leur transition. Ces agences sont particulièrement importantes pour soutenir les petites collectivités territoriales.