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Chaleur renouvelable : creuser la voie de la géothermie

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Bohrkopf eines Tiefenbohrers im Vordergrund, dahinter der Mast einer Bohranlage.
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Les Stadtwerke München sont pionniers en matière de géothermie profonde. | Crédit photo : SWM/Steffen Leiprecht
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La ville de Munich est pionnière dans le déploiement de la géothermie profonde, qui couvre déjà 10 % des besoins en chauffage et en eau chaude de la métropole. Miser sur la géothermie doit lui permettre d’atteindre 100 % de chaleur décarbonée d’ici 2040. Cette ambition est pourtant entravée par la difficulté à trouver des terrains nécessaires. Quel est le potentiel de cette source d’énergie renouvelable pour la transition énergétique en France et en Allemagne et à quelles difficultés est-elle confrontée ?
Date de publication / Veröffentlichungsdatum
25.04.2024
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Par Thomas Spinrath
Traduit de l'allemand par Marie Millot-Courtois et Marion Davenas

 

À l’est de Munich, Michaelibad est l’une des plus grandes piscines de plein air de la ville. Sur la pelouse où les visiteurs se prélassent l’été, des engins de chantier s’affairent aujourd’hui. Ils construisent la septième centrale de géothermie profonde des Stadtwerke München – entreprise de service public détenue à 100 % par la municipalité. Cette installation doit devenir l’une des plus importantes de ce type en Allemagne. Avec une capacité d’environ 80 mégawatts, elle alimentera environ 75 000 personnes en chaleur renouvelable.

Le développement de la géothermie profonde, qui consiste à puiser l’eau chaude à plusieurs milliers de mètres de profondeur, est un élément-clé de la stratégie énergétique de la ville de Munich. Assise sur un bassin molassique dont les nappes d'eau chaude à environ 3 000 mètres de profondeur sont facilement accessibles, la capitale bavaroise bénéficie d’un avantage géologique notable dont elle compte profiter. « Nous disposons ici d'un réservoir où nous pouvons puiser abondamment », décrit Christoph Schmidt, employé des services municipaux de Munich.

Un potentiel sous-exploité en Allemagne et en France

Munich n’est pas la seule ville qui compte sur la géothermie profonde pour développer la chaleur renouvelable. Environ la moitié du territoire français et allemand est propice à l’exploitation de cette énergie, même si les conditions géologiques ne sont pas partout aussi favorables qu’à Munich. Selon les calculs de la Fraunhofer-Gesellschaft et de la Helmholtz-Gemeinschaft, l'Allemagne pourrait couvrir un quart des besoins totaux en chaleur grâce à des installations de géothermie profonde d'une capacité de 70 gigawatts.

Bien qu’on observe une tendance à l’expansion de la géothermie avec presque 100 nouvelles installations prévues, les données publiées en 2023 par l'Association allemande pour la géothermie profonde (Bundesverband tiefe Geothermie) estiment que les centrales actuelles exploitent seulement 1 % du potentiel identifié. En France, le développement est plus avancé. Selon une étude de l'AFPG (Association française des professionnels de la géothermie), la quantité de chaleur produite par la géothermie profonde en 2022 était environ deux fois supérieure à celle de l’Allemagne. Mais là aussi, ce n’est qu’une fraction minime du potentiel disponible.

Témoignage / Text
« Dans une ville urbaine à forte densité, il y a peu de foncier disponible pour la géothermie. »
Auteur / Autor
Fabrice Marguerite, Ville de Lyon
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À Munich, les installations de géothermie couvrent déjà environ 10 % des besoins en chaleur. En théorie, leur déploiement, associé à la récupération de chaleur fatale et à l’installation de pompes à chaleur devrait permettre d’atteindre un taux de chaleur décarbonée de 80 %. Ce scénario se heurte cependant à la difficulté de trouver les terrains nécessaires dans des zones urbaines densément construites – un défi que rencontrent de nombreuses autres villes. Fabrice Marguerite, chef du service des énergies et de l'eau auprès de la Ville de Lyon, décrit le problème ainsi : « La géothermie constitue une véritable opportunité, mais dans une ville urbaine à forte densité comme la nôtre, le foncier disponible est rare. Cela pose des difficultés pour concrétiser les projets. ». C’est une des raisons pour lesquelles Lyon, malgré le potentiel géologique suspecté, n’a pas encore recours à la géothermie profonde.

Dans ce contexte, l’expérience de Munich suscite beaucoup d’intérêt de la part des collectivités françaises et allemandes. Réunies lors d’un dialogue entre pairs organisé par le Forum pour l’avenir, elles ont discuté des potentiels et des difficultés de la géothermie. Outre les questions du financement et de la rentabilité des projets, les participants ont nommé la pression sur les espaces urbains comme un obstacle majeur au déploiement de la géothermie.

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Vue aérienne sur une piscine en plein air avec quatre bassins et un toboggan.
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Plus cher mais plus économe en surface : une nouvelle centrale géothermique voit le jour sur le site du Michaelibad. | Crédit photo : SWM/Andreas Leder
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La géothermie sur le site Michaelibad de Munich : une planification économe en espace

Le besoin en espace est particulièrement important pendant la phase de construction. À Munich, la phase de forage requiert près de 2 hectares de terrain, auxquels s'ajoutent 3 000 à 6 000 mètres carrés pour la station thermique. En plus de l'emprise au sol, des considérations telles que la pollution sonore, la proximité au réseau de chaleur et la préservation de la nature doivent être prises en compte. De plus, les projets de géothermie sont souvent en concurrence avec d'autres projets municipaux en quête de foncier disponible, comme la construction de nouvelles écoles. Une situation que Bernard Betzl des Stadtwerke München décrit ainsi : « Il faut parfois jouer au Tetris pour pouvoir réaliser plusieurs projets sur une même surface ». Une raison pour laquelle les Stadtwerke sont en contact étroit avec la municipalité avant même la phase de conception détaillée des projets d’installation.

Témoignage / Text
« Il faut parfois jouer au Tetris pour pouvoir réaliser plusieurs projets sur une même surface. »
Auteur / Autor
Bernhard Betzl, Stadtwerke München
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Le site de la piscine du Michaelibad pourrait bien devenir un modèle de bonne gestion de la compétition foncière. Après l'achèvement des travaux de construction, les besoins en espace seront divisés par cinq. La plupart des surfaces utilisées sera rendue à la piscine et la plus grande partie de l’installation disparaîtra en sous-sol. Une telle démarche n'est pas sans inconvénient : les coûts de construction sont très élevés et les phases de planification particulièrement longues et complexes.

Comparée à d'autres sources d'énergie, la géothermie profonde nécessite déjà des investissements initiaux particulièrement conséquents. À Munich, les investissements estimés pour la mise en œuvre de la stratégie géothermique se chiffrent en plusieurs milliards d'euros. Ces investissements peuvent toutefois s’avérer rentables à long terme : contrairement, par exemple, au gaz naturel, la géothermie n'est pas tributaire des fluctuations de prix des importations d'énergie.

Toutes les villes ne sont pas en capacité d’assumer à elles-seules ces investissements sans une participation nationale importante aux coûts et aux risques associés. Les participants au dialogue du Forum pour l’avenir sont unanimes : les financements doivent être plus élevés, mais aussi plus stables et fiables à long terme. C’est selon eux une condition essentielle pour que des sources d’eau chaude puissent jaillir dans un nombre croissant de villes en France et en Allemagne.