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La chaleur renouvelable : un puissant levier de la transition énergétique locale

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Centrale de cogénération à Metz
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La centrale de cogénération de la centrale de Metz-Chambière tire son énergie à la fois d’approvisionnements en gaz et du retraitement de biomasse et de déchets ménagers. | Crédit photo : Forum pour l’avenir franco-allemand/Arthur Frantz
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En France, 42 pour cent de la consommation d'énergie sont dus à la production de chaleur et de froid. Le passage aux énergies renouvelables dans ce secteur représente donc un levier important pour la transition énergétique locale. Sarah Bronsard examine l'état actuel de la chaleur renouvelable en France.
Date de publication / Veröffentlichungsdatum
21.03.2024
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Par Sarah Bronsard

 

Atteindre la neutralité carbone en Europe d’ici 2050 suppose de faire des efforts colossaux pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans l’imaginaire collectif, la transition énergétique se résume souvent à l’utilisation de sources d’énergie décarbonées pour produire une électricité plus propre. Or, l’énergie ne se limite pas à la simple production électrique, elle englobe également la production de chaleur et de froid. En effet, la chaleur est aujourd’hui en France le premier poste de consommation énergétique (42 pour cent) – et près des 2/3 sont produits à partir d’énergies fossiles, devant l’électricité (28 pour cent), mais seulement 23 pour cent de cette consommation est renouvelable.

Le Fonds chaleur : un puissant outil de financement de la chaleur renouvelable

Afin d’accélérer la production de chaleur renouvelable, accroître son indépendance énergétique et maîtriser les prix de l’énergie, le gouvernement français s’est donné comme objectif d’atteindre 38 pour cent de chaleur d’origine renouvelable en 2030. À titre de comparaison, le Danemark ambitionne d’atteindre la même année la neutralité carbone pour ses réseaux de chaleur. La France s’est dotée d’un outil de financement, le « fonds chaleur », créé en 2009 et piloté par l’ADEME. En octroyant des aides aux investissements aux collectivités et aux entreprises, le Fonds chaleur a permis de financer 3 820 kilomètres de réseaux de chaleur et de froid avec un taux d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) supérieur à 65 pour cent pour la distribution de chaleur. Fort de son succès, le budget a été porté à 820 millions d’euros en 2024, soit une augmentation de plus d’un tiers par rapport à l’année précédente.

Le potentiel titanesque de la chaleur fatale

Beaucoup de réseaux de chaleur français sont alimentés en chaleur de récupération. Le potentiel est colossal : l’ADEME a évalué le gisement de chaleur fatale en France à 12 TWh/an, ce qui permettrait d’alimenter 1 million de logements par an en chaleur de récupération. Il s’agit d’une énergie thermique rejetée par certains secteurs d’activité comme l’industrie. À Nîmes, 56 pour cent de la production thermique provient de la chaleur fatale de l’incinérateur de déchets de la ville, une part qui devrait être portée à 75 pour cent à l’issue de l’extension du réseau. L’Eurométropole de Metz, partenaire du Forum pour l’avenir franco-allemand, dispose du 4ème plus grand réseau de chaleur français, qui s’étend sur 139 kilomètres. Alimenté à 30 pour cent en chaleur fatale, ce réseau doit voir la part de chaleur issue de l'incinération des déchets augmenter grâce à la construction d'un troisième incinérateur.

L’exemple de Strasbourg : une coopération franco-allemande énergétique inédite

La récupération de chaleur s’inscrit pleinement dans la logique d’économie circulaire, puisque le déchet initial, considéré comme nuisible, est transformé en ressource. La France et l’Allemagne peuvent s’appuyer sur un tissu industriel conséquent et valoriser les coopérations entre industries et collectivités. À ce titre, le réseau de chaleur de Strasbourg met à l’honneur la coopération franco-allemande : une part importante de son énergie provient de l’aciérie BSW (Badische Stahlwerke GmbH) basée à Kehl, en Allemagne, tandis que l’autre part provient des industries françaises locales.

Si les datacenters représentent 2 pour cent des émissions mondiales de CO₂, soit autant que le secteur aérien, la chaleur qu’ils émettent peut être utilement récupérée. En témoigne l’exemple de Marne-la-Vallée, qui chauffe 600 000 mètres carrés de bâtiments par l’intermédiaire d’un entrepôt de données informatiques implanté à proximité.

La biomasse : pilier de la chaleur renouvelable à l’avenir incertain

D’autres sources d’énergie renouvelable telles que la géothermie et le bois-énergie sont aussi prometteuses. La biomasse, évaluée aujourd’hui à 24 pour cent du bouquet énergétique des réseaux de chaleur, présente de nombreux atouts, parmi lesquels une disponibilité conséquente (environ 90 millions de tonnes de bois poussent tous les ans en France). Toutefois, la filière se heurte à un certain nombre de difficultés. Le rayon des 100 kilomètres n’est pas toujours respecté pour l’approvisionnement, la récupération de branchages nuit à la biodiversité et la forêt française ne se renouvelle pas aussi vite que prévu.

Annecy : le premier réseau de chaleur et de froid lacustre de France

Certains réseaux de chaleur, en particulier dans le bassin parisien, ont recours à la géothermie de surface et à la géothermie profonde. Le potentiel est considérable : la France pourrait produire 150 TWh de chaleur issue de géothermie dans les vingt années à venir, tandis que la capacité allemande est évaluée à 600 TWh, malgré une surface plus réduite. En s’inspirant de l’exemple de Genève, Annecy a inauguré le premier réseau de chaleur et de froid lacustre de France : trois pompes à chaleur alimentent 570 logements grâce à l’eau puisée dans le lac d’Annecy.

Ces illustrations témoignent de l’ambition des collectivités d’accélérer la production de la chaleur renouvelable en s’appuyant sur les ressources disponibles. Le chemin à parcourir reste long, mais c’est aussi en s’inspirant de nos voisins, en coordonnant nos forces, que nous parviendrons à relever le défi. C’est l’ambition du Forum pour l’avenir franco-allemand.