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Des solutions de mobilité durable, désirable et accessible pour tous ? La réalité de demain !

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Vue sur les berges de la Seine : certaines personnes sont allongées sous des parasols, d'autres se promènent dans une rue sans voitures à côté.
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Piétonisation des berges de la Seine | Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann from Moulins, France (CC-BY-2.0)
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« Il faut adapter la ville à l’automobile » affirmait Georges Pompidou dans son discours prononcé le jeudi 18 novembre 1971 au District de la région parisienne. Autrefois « autoroute urbaine » issue de l'ère Pompidou, les berges de la Seine sont aujourd’hui réservées aux piétons. Cette évolution spectaculaire est symbolique d’une aspiration des villes allemandes et françaises à transformer les mobilités. Le Forum pour l’avenir vous donne un aperçu de la manière dont elles redéfinissent la place de la voiture. Il présente plusieurs exemples inspirants dans les deux pays.
Date de publication / Veröffentlichungsdatum
16.01.2024
Contenu / Inhalt
Texte / Text

Par Sarah Bronsard
Traduit vers l'allemand par Annette Kulzer

 

 

En 1971, Georges Pompidou affirmait : « Il faut adapter la ville à l’automobile ».

La voiture était alors considérée comme un symbole de la réussite industrielle française s’inscrivant dans l’économie florissante des Trente Glorieuses. Plus encore, la démocratisation de la voiture individuelle à moteur thermique constituait non seulement « un signe de promotion sociale », mais surtout un « signe de libération de l’individu » (source : Georges Pompidou, discours prononcé au Salon de l’automobile en 1966).

L’aménagement du territoire et de l’espace public s’est donc effectué en répondant aux besoins croissants de l’automobile. En témoigne notamment la voie rapide longeant les berges parisiennes de la Seine, dont l’objectif était de permettre aux automobilistes de traverser la capitale sans signalisation. A l’origine, Pompidou ambitionnait même de doter Paris d’un véritable maillage d’autoroutes, un projet qui n’a cependant jamais vu le jour en raison des crues qui ont suivi.

Depuis les années 1960, l’image de la voiture dans nos vies quotidiennes a subi une véritable révolution. Afin de respecter les engagements climatiques et lutter contre la dégradation de la qualité de l’air, l’objectif est clair : réduire la place de la voiture dans l’espace urbain et périurbain et réaffecter la voirie aux mobilités plus durables et moins consommatrices d’espace. A Paris, « l’autoroute urbaine » de Pompidou a été piétonnisée, les zones à faible émission (ZFE) et la lim itation à 30 km/h se multiplient dans les grandes villes françaises. En Allemagne, où l’industrie automobile occupe une place prépondérante, des mesures pour encourager l’usage des mobilités douces augmentent également.

Favoriser un équilibre entre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques

La capacité d’action des collectivités françaises et allemandes pour limiter la circulation automobile en ville est toutefois contrainte par le cadre réglementaire et légal existant, dont le Forum pour l’avenir franco-allemand, en s’inspirant de retours d’expérience locaux, recommande l’adaptation.

Si l’objectif n’est pas de bannir la voiture de nos villes, dont l’usage reste indispensable pour un certain nombre de citoyens, il s’agit bien plus d’en réduire l’importance tout en veillant au maintien d’une cohabitation pacifiée entre les modes de mobilité et à un équilibre entre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques, conformément aux fondements-mêmes de la notion de développement durable. Réallouer la voirie au profit d’un urbanisme durable suppose de ne pas perdre de vue ce nécessaire équilibre, au risque de provoquer de vives contestations comme les mouvements contestataires des « Gilets jaunes » ou des « Bonnets rouges » en Bretagne.

Faire des transports publics une alternative crédible, efficace et soutenable

La réduction de la place de l’automobile dans l’espace public doit s’accompagner d’un développement de l’offre de mobilité durable. Le financement des transports publics devient donc un enjeu crucial pour les deux pays qui devraient s’inspirer mutuellement de leurs contextes nationaux respectifs.

En mai 2023, le gouvernement allemand a introduit le « Deutschlandticket », un billet unique qui permet aux Allemands de circuler sur l’ensemble du territoire pour seulement 49 euros par mois – à l’exception des lignes à grande vitesse. Ce système offre plusieurs avantages : un abonnement unique pour tous les usagers, un report de modalité de la voiture vers le train, un gain de pouvoir d’achat dans un contexte où les prix de l’énergie ont explosé. La France devrait s’inspirer de cette intégration tarifaire et d’expériences régionales fructueuses , à l’instar de la carte de transports KorriGo en Bretagne. A condition toutefois de veiller à l’équilibre budgétaire : à l’heure actuelle, le financement du Deutschlandticket en 2024 est incertain. En l’absence de subventions fédérales supplémentaires, le tarif pourrait augmenter à 59 euros par mois.

Le versement mobilité : un puissant outil de financement à la française qui pourrait sauver le Deutschlandticket ?

Afin de stabiliser le financement de son offre de mobilité tout en améliorant la qualité des services rendus, le gouvernement allemand devrait s’inspirer du versement mobilité français. Cette taxe, prélevée auprès des entreprises employant 11 salariés ou plus, permet de financer les transports publics français à hauteur de 45 %. C’est sur la base de ce modèle économique que l’Eurométropole de Strasbourg a pu développer sa tarification solidaire garantissant l’équité entre tous les usagers.

Les voitures et les poids lourds comme garants d’une transition soutenable ?

En vertu du principe du pollueur-payeur inscrit dans la législation européenne (Article 191 (2) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE, Lisbonne, 2007), tout individu étant à l’origine d’externalités négatives, en l’occurrence une aggravation de la pollution, doit en supporter les frais. Dans le domaine de la mobilité, il s’agit de mettre à contribution les acteurs responsables d’une augmentation de la pollution, les voitures et les poids lourds, et de réaffecter ces recettes au financement de modes de transport plus durables. Les camions de demain financeraient donc les infrastructures dédiées au fret ferroviaire et maritime et les recettes issues du stationnement payant seraient fléchées vers le financement de l’offre de transports publics.

Adapter la législation routière en France et en Allemagne

Développer des espaces végétalisés, construire des logements ou une nouvelle voie de tramway – il n’est pas toujours aisé pour les collectivités de concilier tous ces impératifs ! En inscrivant les objectifs de développement durable dans la législation routière, le gouvernement allemand pourrait donner aux collectivités plus de marges de manœuvre pour adapter l’offre de mobilité aux besoins locaux.

Selon une étude réalisée par Santé Publique France, environ 40 000 décès annuels sont imputables à la pollution par les particules fines et le dioxyde d’azote. Le Forum pour l'avenir recommande donc de limiter la vitesse de circulation à 30 km/h en milieu urbain – une mesure déjà existante dans certaines villes françaises sans être suffisamment appliquée. Les collectivités devraient toutefois avoir la possibilité de maintenir une limitation à 50 km/h sur certains axes. Cependant, le mot d’ordre doit être d’éviter à tout prix un effet de congestion des voies de circulation.

En outre, la mobilité devrait répondre davantage aux besoins des bassins d’emploi plutôt qu’aux cadres administratifs. Rendre les régions éligibles au versement mobilité leur permettrait d’assurer une meilleure cohérence dans la planification des transports.

Aujourd’hui, c’est donc un mouvement inverse à celui prôné par Georges Pompidou qui est à l’ordre du jour des villes européennes : c’est l’automobile qu’il faut adapter aux besoins de la ville durable, et non le contraire.