« Il est important que la collectivité conserve une gouvernance politique de son réseau de chaleur »

Propos recueillis par Stephanie-F. Lacombe
Traduits vers l’allemand par Annette Kulzer
La décarbonation du secteur de la chaleur repose avant tout sur l’action au niveau local. Toutefois, les collectivités territoriales manquent souvent des capitaux et des ressources humaines nécessaires pour développer les réseaux de chaleur et les sources de chaleur renouvelable. Nos recommandations « Faciliter le financement de la chaleur renouvelable » et « Renforcer les compétences des collectivités et de leurs partenaires pour décarboner l’approvisionnement en chaleur » proposent des pistes concrètes pour combler ces lacunes. Dans cet article, Charlie Le Galludec du Cerema partage son point de vue et réagit à ces propositions :
« Sans le Fonds Chaleur, la transition énergétique ne se fera pas »
La distribution de chaleur et de froid renouvelables est un enjeu de la transition énergétique auquel les collectivités doivent s’attaquer sans tarder. Le financement constitue un défi clé compte tenu des investissements nécessaires pour déployer les réseaux de chaleur. Ce défi est d’autant plus crucial en France, dans cette période de réduction des budgets alloués à la transition énergétique. Il est donc essentiel d’identifier des solutions de financement innovantes permettant de lever ces freins et d’accélérer le développement des infrastructures.
Si l’appui d’un partenaire privé peut, dans certains cas, contribuer au financement de projets et apporter une expertise technique, les collectivités doivent également disposer des compétences nécessaires pour assurer le suivi et le contrôle du service rendu à la communauté. Car dans les projets de réseaux de chaleur comme pour d’autres services publics, il est essentiel que la collectivité conserve une gouvernance politique. Bien que le Fonds Chaleur finance une partie de ces projets, les collectivités peinent souvent à réunir le reste des fonds nécessaires. Cette difficulté est particulièrement marquée dans les petits réseaux, où le manque d’acteurs privés intéressés freine la mise en place de partenariats publics-privés. Par conséquent, de nombreuses collectivités passent plus facilement par le modèle des délégations de service public, perdant ainsi une partie du contrôle sur le projet et son exploitation.
Cependant, d’autres modèles existent en France pour unir plusieurs collectivités dans une Société publique locale (SPL). Celle-ci permet de porter de lourds investissements que ne peuvent pas engager les communes seules, et sur de longues durées. En complément, il est primordial que le gouvernement français maintienne son niveau d’aide au développement de projets de chaleur renouvelable via le Fonds Chaleur de l’ADEME. Sans ces aides, la transition énergétique et les projets réseaux de chaleur en particulier, relevant du service public, ne se feront pas.
« Guider les collectivités dans l’identification des sources de chaleur adaptées est primordial »
Il est essentiel de donner aux collectivités les moyens d'agir, afin qu'elles soient en mesure d’élaborer une planification ambitieuse de la chaleur et d’atteindre les objectifs nationaux en la matière. Les accompagner dans l’identification des sources de chaleur adaptées constitue une étape clé. En effet, les réseaux de chaleur en France se développent bien souvent sur la base d’une mise en place de chaudière biomasse. La démarche « EnR’CHOIX » de l’ADEME implique désormais d’engager une réflexion sur d’autres types d’Énergies Renouvelables et de Récupération (EnR&R) lors de l’élaboration d’un projet réseau de chaleur. Il est donc primordial de venir en soutien des collectivités, en leur fournissant les données énergétiques caractéristiques de leur territoire. Cela leur permet d’identifier et d’apprécier les différents gisements énergétiques disponibles, et d'engager une planification efficace et diversifiée de la chaleur et du froid. Notre mission, en tant que « pôle réseaux de chaleur » au sein du Cerema, est précisément de renforcer les compétences des collectivités pour décarboner leur approvisionnement en chaleur. Nous développons pour cela des outils, comme le projet EnRezo, permettant à tous l’identification d’un potentiel de développement de réseaux de chaleur et de froid sur un territoire donné.
« L’accompagnement des collectivités est essentiel »
En application de la directive européenne sur l’efficacité énergétique, les collectivités françaises vont devoir élaborer des plans de chaleur locaux comme c’est déjà le cas pour les collectivités en Allemagne. S’appuyer sur les méthodes déjà employées en Allemagne et leur retour d’expérience peut nous permettre de mettre en place cette mesure plus efficacement et rapidement en France. L’exemple du centre de compétence pour la transition vers la chaleur renouvelable KWW en Allemagne est très intéressant et inspirant, comme les outils qu’il met à disposition des collectivités. L’Allemagne est également un exemple dans la fourniture de données concernant les gisements de chaleur fatale industrielle existants. En France nous pourrions nous inspirer de la méthode employée par l’Allemagne pour récupérer ces informations, à savoir mettre en place une législation obligeant les industriels à fournir des données qualifiées (par niveau de température) et quantifiées sur leurs gisements de chaleur valorisable.
« S’appuyer sur les méthodes déjà employées en Allemagne pour élaborer des plans de chaleur locaux peut nous permettre de mettre en place cette mesure plus efficacement et rapidement en France »
En tant que Cerema, nous travaillons également avec les instances ministérielles pour leur fournir des éléments permettant l’élaboration de la planification et de la législation en faveur de la transition énergétique. Nous œuvrons également à la transcription des directives européennes dans le droit français. Les recommandations du Forum pour l’avenir franco-allemand nous permettent de nous inspirer des pratiques d'un pays voisin.
Charlie Le Galludec
À propos de Charlie Le Galludec
Charlie Le Galludec est chargée d’études réseaux de chaleur et de froid au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).
La mission du Cerema est d’accompagner les collectivités dans leur mise en œuvre de politique territoriale pour faire face à la transition écologique.