Comment mobiliser pour des quartiers sans voitures ?
Il suffit d’observer la part de la surface dédiée dans Berlin à la circulation motorisée pour comprendre la nécessité d’un tournant fondamental, selon Dirk von Schneidemesser : plus de la moitié des espaces de circulation dans la capitale allemande lui est dédiée, alors qu’à peine un tiers des trajets sont effectués en voiture ou moto individuelle. Les piétons bénéficient de 30 % de l’espace de circulation, les cyclistes de 3 % - alors même que les besoins de ces derniers sont environ cinq fois plus importants. Pour l’historien Peter Norton, qui étudie l’évolution des narrations sociales autour de l’automobile aux États-Unis depuis les années 1950, la cause de ce déséquilibre tient à l’essor de l’industrie automobile et ses intérêts économiques. Une conviction que partagent 90 % des Allemands, d’après une enquête du ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sûreté nucléaire (BMUV).
De nouvelles narrations peuvent accélérer la transition à engager
« Il existe déjà une majorité en faveur de quartiers sans voitures » déclare Dirk von Schneidemesser, avant d’ajouter : « Nous devons simplement reformuler les questions et proposer une narration alternative. » « Sans voitures » suggère l’idée que les changements au sein des quartiers sont associés à des pertes – en l’occurrence une perte pour les automobilistes. « Qu’en est-il si nous ne parlons pas de la fermeture des axes routiers, mais de l’ouverture de la circulation ? Nous recevons un plus grand soutien si nous portons l’accent sur les besoins de mobilité qui seront satisfaits en réduisant la place à la voiture dans l’espace public urbain. »
De nouvelles approches pour repenser avec le public la mobilité en ville
En réponse à la proposition de Dirk von Schneidemesser, le « Conseil pour l’avenir » de Hambourg a ouvert le débat : qui devrait avoir son mot à dire sur la réduction du trafic motorisé en ville – seulement les riverains ? Et comment sortir de l’opposition prévalente entre habitants de la ville (majoritairement opposés à la voiture) et utilisateurs non-riverains de transports motorisés ? L’expérience montre que certaines méthodes d’enquête y parviennent : c’est le cas du principe « intercept » par exemple, qui consiste à interroger des personnes au même endroit à différents moments ou à ne s’adresser qu’à une personne sur sept de manière aléatoire.
Le dialogue est nécessaire pour développer le soutien populaire au développement de mobilités douces en ville – sans être seul suffisant. Pour convaincre les habitant·es de repenser l'espace public, il faut que la réduction de la circulation motorisée individuelle soit entendue comme synonyme de nouveaux bénéfices personnels. Pour cela des villes comme Stuttgart et Munich ont recours à des stratégies de réaffectation temporaire des espaces, comme les « arbres itinérants » : des arbres plantés en bacs végétalisent temporairement des places de parking. Mais pour un participant munichois à notre Cuisine de la transformation, il faut aller plus loin. Selon lui, il faut modérer le trafic et réduire le nombre de places de stationnement à des endroits stratégiques, c’est-à-dire des espaces publics animés, puisque l’effet de la réduction de la circulation y sera beaucoup plus visible - en comparaison à une rue bruyante et très fréquentée où les habitant·es. s’arrêtent plus rarement. Ces « laboratoires temporaires d’expérimentation en vie réelle » peuvent ainsi déployer leur potentiel, susciter des changements dans l’utilisation des surfaces et se transformer en initiatives de long-terme.
Les voitures sont-elles vraiment nécessaires en ville ?
Une polémique s’est invitée à la fin de notre échange : un participant a rappelé la nécessité de prendre en compte la sécurité des personnes à mobilité réduite dans la gestion du trafic. L’initiative citoyenne de Marbourg a tout de suite répliqué : ces dernières sont souvent utilisées comme argument pour stopper les processus visant à réduire le trafic, alors que la modération de la circulation revêt de nombreuses formes et qu’une question bien plus importante est de savoir pourquoi les personnes sont dépendantes de la voiture pour s’approvisionner – surtout en ville ? Un meilleur commerce de proximité devrait par conséquent être encouragé.
À propos voitures et approvisionnement, une étude berlinoise met en évidence le décalage entre les faits et les suppositions : les commerçants estimaient que 22 % de leur clientèle vient en voiture, tandis qu’elle n’est que 7 % dans les faits. Cet exemple le montre : les perceptions comptent ! Des récits positifs sont essentiels pour y répondre.
Pour aller plus loin
Dirk von Schneidemesser : „Wir brauchen eine neue Sprache für die Verkehrsberichterstattung“
Les conseils de lecture des participant·es aux Cuisines de la transformation :
Projet de recherche « iRésilience » relatif au développement urbain et la résilience au climat
Projet de recherche relatif au développement urbain et la résilience au climat
Exemples de projets à Munich (sans documentation) :
https://www.greencity.de/projekt/parklets/
https://muenchenunterwegs.de/parklets
https://muenchenunterwegs.de/sommerstrassen
https://www.greencity.de/projekt/quartierswende
https://www.mcube-cluster.de/projects/aqt/
Les Cuisines de la transformation
Les bonnes discussions et les nouvelles idées naissent souvent en dehors des réunions classiques – par exemple autour de la machine à café ou pendant la pause déjeuner. Avec les Cuisines de la transformation, format de visioconférences mensuelles, le Forum pour l’avenir ouvre un espace permettant d’échanger de manière informelle et décontractée avec un·e expert·e de notre nouveau thème de travail : « Aménagement du territoire et urbanisme durables ».
Les Cuisines de la transformation ont lieu pendant la pause de midi : tous les participant·es sont autorisés à déjeuner pendant la discussion.
Les Cuisines sont un format d'échange court et détendu : elles durent une heure seulement, juste le temps de s'ouvrir l'appétit !
L'échange se tient en allemand et en français, avec une traduction simultanée.
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