Type d'actualité / Nachricht typ
Articles

Casse-tête règlementaire ou levier pour une transition énergétique équitable ?

État / Zustand
Autoconsommation collective
Image principale / Bild
Thumbnail
Eine Gruppe von Menschen steht vor einem Gebäude mit Unterstand, auf deren Dächern Solarzellen angebracht sind.
Légende
L‘autoconsommation collective permet de produire et de consommer localement de l'électricité renouvelable en tant que communauté. | Crédits photo : Enedis / Alban Pernet
Accroche / Aufhänger
Et s’il était possible à plusieurs voisins de se rassembler pour produire eux-mêmes l’électricité renouvelable dont ils ont besoin ? C’est ce que permet l’autoconsommation collective. Cette pratique mobilise les acteurs locaux et encourage la production en circuit court d’une électricité moins polluante. Robin Denz fait l’état des lieux de ce nouveau mode de production et de consommation énergétique en Allemagne et en France.
Date de publication / Veröffentlichungsdatum
02.09.2024
Contenu / Inhalt
Texte / Text

Par Robin Denz
Traduit de l’allemand par Anaïs Picart et Robin Denz

 

La commune de Montigny-les-Metz, dans l'Eurométropole de Metz, illustre avec succès les avantages de l’autoconsommation collective. Fin 2023 y a été inauguré un parc photovoltaïque en autoconsommation collective. L'installation, conçue par la commune en partenariat avec le fournisseur d'électricité UEM et l'entreprise de construction Demathieu, produit depuis 305 MWh d'électricité par an, soit l'équivalent de la consommation électrique annuelle de 60 ménages. 85 % de cette production sont utilisés pour les bâtiments communaux tels que la mairie, les écoles et une piscine. Ce système permet de couvrir jusqu’à 20 % des besoins électriques de ces bâtiments et d’économiser 650 tonnes de CO. Pour la commune, le projet signifie avant tout des factures d'électricité moins chères et stables, dans un contexte de fluctuations des prix exacerbé par la crise énergétique.

La France, pionnière de l’autoconsommation collective en Europe

En France, l’autoconsommation collective est inscrite dans le Code de l'énergie depuis 2016. En juin 2024, 454 projets avaient été réalisés, pour une puissance totale de 38 MW. Si cela ne représente encore qu'à peine 1 % de la nouvelle puissance installée en 2023, le nombre de projets double chaque année. Les experts estiment que d'ici 2030, au moins 10 % de la nouvelle puissance installée en France pourraient être couverts par l’autoconsommation collective. Le dispositif présente donc un potentiel immense, malgré les défis techniques, juridiques et économiques auxquels il est encore confronté.

En Allemagne aussi, le potentiel est conséquent : selon une analyse de l’Institut de recherche en économie écologique (IÖW), jusqu'à 35 % des objectifs de développement pour 2030 pourraient être atteints grâce à l’autoconsommation collective. Pourtant, un cadre juridique adapté fait toujours défaut. Bien que de nombreuses communautés énergétiques citoyennes produisent déjà de l'électricité collectivement, elles ne la consomment pas elles-mêmes. Dans un état des lieux, l'Agence fédérale de l'environnement allemande (UBA) affirme que l’autoconsommation collective est théoriquement possible, mais que des obstacles bureaucratiques et techniques la freinent considérablement. Dans la pratique, il est presque impossible de consommer collectivement l'électricité produite ou de vendre le surplus à d'autres consommateurs, car les communautés d'énergie citoyenne sont soumises aux mêmes obligations complexes qu'un fournisseur d'énergie classique et le déploiement des compteurs intelligents ne progresse que timidement. En 2021, la coalition gouvernementale s’est engagée à améliorer les dispositions relatives à l’autoconsommation collective, sans avancées concrètes jusqu'à présent.

Le défi pour l’avenir : le passage à l’échelle

Les exemples comme celui de Montigny-les-Metz montrent également les limites actuelles des projets d’autoconsommation collective. À Montigny, la réussite du projet a été rendue possible par des changements législatifs favorables, mais aussi et surtout par le faible nombre d'acteurs impliqués. Pour Souhail Nazih, responsable solaire en autoconsommation chez UEM, « le gros enjeu à venir, c'est de réussir à faire passer à plus grande échelle les projets d'autoconsommation collective, de monter des projets avec plus de consommateurs ». Titouan Cavan, de l'agence d’autoconsommation collective Enogrid, abonde dans ce sens lors de la Journée de l’autoconsommation collective 2024 : un défi essentiel consistera à développer des outils d'automatisation qui permettront de passer de quelques centaines de projets par an à plusieurs milliers par semaine.

Renforcer la solidarité et lutter contre la précarité énergétique

Selon Rémi Bastien, d'Enogrid, le développement d'outils d'automatisation permettrait aussi de fournir des tarifs avantageux ou même de céder gratuitement l’électricité excédentaire aux personnes en situation de précarité énergétique. Plusieurs systèmes sont possibles. Les bailleurs sociaux peuvent par exemple consommer l'électricité qu'ils produisent dans les parties communes des immeubles et partager le surplus gratuitement ou à un prix réduit avec les locataires. Certaines communautés énergétiques disposent, elles, d’une tarification solidaire, comme le projet d’autoconsommation ECLAIR de la coopérative CIREN à Rennes. Les personnes en situation de précarité énergétique y reçoivent une électricité dont le prix est environ deux fois moins cher que le tarif EDF fixé par l'État. De la même manière, le réseau des AMEP propose de céder gratuitement tout ou partie du surplus d’électricité à des personnes en situation de précarité énergétique. Le manque de données pour identifier ces personnes constitue cependant un obstacle. Il est donc nécessaire de travailler avec des acteurs tels que les centres communaux d'action sociale (CCAS), spécifiques à la France, ou des programmes comme SLIME.

Une inspiration pour l’Allemagne ?

Ce que l’Allemagne peut apprendre de la France pour la mise en œuvre de l’autoconsommation collective fait actuellement l'objet de discussions approfondies entre les experts franco-allemands du « Forum ». Une chose est sûre : les situations de départ sont très différentes dans les deux pays. Avec le gestionnaire public Enedis, qui détient un quasi-monopole avec 95 % des parts du réseau de distribution, la France dispose d'un atout important pour la massification de l’autoconsommation collective. De son côté, l'Allemagne, qui compte près de 900 gestionnaires de réseau de distribution et encore plus d’opérateurs de compteurs, est confrontée à de grands défis. C'est également l'avis de Mohamed Lahjibi, chef de projet national autoconsommation collective chez Enedis. Il considère le développement de procédures et d'instruments standardisés comme un élément clé pour une mise en œuvre simplifiée de l’autoconsommation collective en Allemagne.