Les réunions du « Forum » : pour un aménagement urbain durable
Un objectif ambitieux, une démarche unique au service des sociétés française et allemande
« Travailler sur les processus de transformation de leurs sociétés », telle est la mission qui a été confiée au Forum pour l’avenir franco-allemand par l’article 22 du traité d’Aix la Chapelle en 2019. Un objectif ambitieux qui appelle la mise en place d’une méthode de travail originale. Cette démarche repose sur un triptyque composé d’un pilier franco-allemand, d’un pilier territorial et d’un pilier « bottum-up », synthétisant les deux premiers. Résolument tournés vers le terrain, nous partons d’expériences concrètes, de projets menés au sein de nos collectivités territoriales partenaires en France et en Allemagne, que nous étudions et mettons en perspective avec les politiques nationales pour trouver des solutions communes qui nourriront nos recommandations de politique publique.
De nombreux experts nous rejoignent pour nous accompagner dans cet examen croisé des politiques publiques locales et nationales : ils représentent nos collectivités partenaires – Lyon, Pau et Dunkerque durant le cycle 2 pour le côté français -, l’administration nationale et territoriale, le monde associatif, économique ou encore académique. Une expertise large, variée et binationale. Laurent Trijoulet, l’un des membres du Forum et directeur de cabinet du président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) affirmait en marge de l’émission que « même en l’absence de livrable final, l’expérience aurait été extrêmement bénéfique pour tous les participants ».
« En fait, c’était exceptionnel »
« C’est une vraie réussite des équipes de France Stratégie d’avoir su composer des groupes thématiques aussi éclectiques et en même temps aussi précieux. […] Réunir des professionnels des collectivités territoriales, des enseignants, de la société civile ou des prestataires sur une thématique qui les occupe et les passionne, comme la participation citoyenne, c’est quasiment exceptionnel. Et qu’on puisse le faire avec le luxe d’y passer deux fois une journée et demi, cela ne nous arrive quasiment jamais d’avoir ce temps-là, même si on a tous trouvé que c’était beaucoup trop court. En fait, c’était exceptionnel ».
Montée en puissance des travaux du « Forum » : quelles perspectives pour le cycle 3 ?
Les équipes du « Forum » observent en effet une montée en puissance de la dynamique générale autour des travaux menés : le troisième cycle de travail, consacré à la transition énergétique locale a été ouvert en octobre par un séminaire de lancement à Berlin. Six collectivités nous avaient rejointes au cycle 2, elles sont désormais onze à avoir présenté leurs projets autour des thématiques de la sobriété énergétique, de la rénovation thermique des bâtiments, de la planification thermique et de la production d’énergies renouvelables au sein des collectivités.
Renforcer le financement des transports publics : avant le tarif unique, l’instauration d’un billet unique sur le modèle du Deutschlandticket
Durant le deuxième cycle, nos travaux se sont articulés autour de quatre groupes de travail dédiés aux mobilités douces, au verdissement des villes, à la réallocation de l’espace urbain et à la participation citoyenne. Les réflexions autour de ces quatre thèmes ont donné naissance à sept recommandations politiques qui seront présentées dans un premier temps au comité d’orientation du Forum, le 28 novembre à Berlin, en présence de la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe Laurence Boone et de Judith Pirscher, ministre fédérale de l’Enseignement supérieur.
L’émission fut l’occasion de dévoiler certaines mesures en exclusivité : parmi elles, la création des conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’abonnement unique et de l’intégration tarifaire en France, sur le modèle du Deutschlandticket allemand. Entré en vigueur en mai 2023, ce billet permet à tous les Allemands de voyager sur l’ensemble du territoire national pour seulement 49 euros par mois, donnant accès à l’intégralité de l’offre de transport – à l’exception des lignes à grande vitesse. Des expérimentations régionales existent déjà, à l’instar de la carte bretonne Korrigo, de laquelle l’exécutif pourrait s’inspirer. Geneviève Laferrère, membre du Forum et responsable du réseau “Territoires et mobilités durables” à France Nature Environnement, met en garde devant la difficulté des négociations, préconisant la mise en place d’un « billet unique avant celle d’un tarif unique ».
Appliquer le versement mobilité français en Allemagne pour sauver le modèle financier du billet unique ?
Des incertitudes planent sur l’avenir du billet unique allemand. En cause, l’épineuse question de son financement. Victime de son succès, le billet unique allemand attire de plus en plus d’utilisateurs, de telle sorte que les recettes générées par d’autres abonnements diminuent, mettant en péril la viabilité financière du système actuel.
Le gouvernement a trois options : une augmentation des subventions, une augmentation du billet à 59 euros [1] par mois ou bien il prend en compte l’une de nos recommandations visant à introduire le versement mobilité en Allemagne. Il s’agit d’une taxe que toutes les sociétés d’au moins 10 salariés doivent verser aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui permet de financer les transports en commun dans les régions, départements et communes à hauteur de 45%.
Participation citoyenne : comment impliquer les habitants du début jusqu’à la fin des projets d'aménagement urbain
Afin de réallouer les espaces publics dans l’intérêt général, soutenir des initiatives locales et désamorcer de potentiels conflits, il est essentiel d’associer pleinement les habitants aux projets d’aménagement urbain, dès la phase de planification jusqu’à la mise en œuvre concrète et au-delà. Tel était le défi posé au groupe de travail dédié à la question. En examinant les projets menés au sein des collectivités, à l’instar du nouveau tracé du tramway de Saint-Étienne, auquel les habitants ont été étroitement associés, il est apparu que la France semblait avoir un temps d’avance. Laurent Trijoulet l’explique au cours de l’émission : contrairement aux idées reçues, les collectivités françaises tendent à intégrer la culture de participation de façon systématique dans l’élaboration de leurs politiques publiques. Les Allemands sont surtout friands d’outils et de réglementations pour accélérer la participation.
Ces mesures, les membres du Forum les ont pensées et conçues directement à partir des besoins exprimés sur le terrain. Y figurent notamment la création d’un fonds de participation volontaire dès l’amont des projets, d’un kit de formation pour un renforcement d’ensemble de la capacité de participation ou encore l’introduction d’un droit d’interpellation citoyenne. Le besoin de formation est essentiel pour « démystifier la participation citoyenne » compte tenu du « rapport parfois délicat entre démocratie participative et démocratie directe », renchérit Laurent Trijoulet.
Une implication citoyenne essentielle pour assurer l’acceptabilité des politiques publiques et la vitalité de la démocratie
En période de transitions sociétales importantes, où les populations ont parfois le sentiment d’être bousculés par l’accélération des changements, il est d’autant plus important de pouvoir les impliquer activement dans la recherche de solutions – pour qu’ils ne restent pas spectateurs, mais deviennent au contraire acteurs de ces changements qui se seraient de toute manière imposés à eux et en orientent, ensemble, la direction. Il en va de l’acceptabilité des politiques publiques et, en somme, de la vitalité de la démocratie.
[1] Selon une estimation réalisée par la fédération des entreprises allemandes de transport (VDV)
Sarah Bronsard est chargée d’études pour le Forum pour l’avenir franco-allemand à France Stratégie depuis janvier 2023.
Diplômée de Sciences Po Paris et titulaire d’un double diplôme en études interculturelles franco-allemandes de la Sorbonne et de la Freie Universität Berlin, elle s’engage pour la coopération bilatérale au sein de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse en 2018 et de la chambre de commerce et d’industrie franco-allemande en 2022, auprès de la direction des affaires publiques. Son parcours professionnel est marqué par le secteur parlementaire et les questions internationales : elle a travaillé pour les assemblées parlementaires internationales du Bundestag à Berlin ainsi qu’auprès de la Direction des relations internationales et du protocole du Sénat.
Pour visionner l’intégralité de l’émission diffusée sur Acteurs Publics, veuillez cliquer ici.