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« Les bâtiments inoccupés peuvent être un réel atout ! »

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Zeitz | Entretien avec Thomas Haberkorn
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Interview mit Thomas Haberkorn: „Leerstand kann viel wert sein!“
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« Ce sont précisément ces espaces libres qui constituent notre point de départ pour donner une autre identité à toute la région. » I Crédit photo : Jörg Gläscher
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Dans l’interview qui suit, Thomas Haberkorn nous explique comment un « regard extérieur » peut avoir un effet positif sur une ville, en quoi la culture est un moyen de valoriser les histoires locales, et comment la rencontre et le dialogue pourraient renforcer la prise de conscience des habitants du district du Burgenland vis-à-vis du changement climatique.
Date de publication / Veröffentlichungsdatum
Février 2022
Contenu / Inhalt
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Propos recueillis en allemand par Kathrin Faltermeier

 

Thomas, tu es né et tu as grandi à Zeitz. Après avoir vécu 10 ans à Leipzig, tu as décidé de revenir dans la ville natale. Qu’est-ce qui t’a poussé à quitter la grande ville ?

Le fait que Zeitz soit située juste aux portes de Leipzig, est naturellement très appréciable. Mais ce qui m’a incité à revenir définitivement à Zeitz, c’est le projet « Kloster Posa ». Lorsque nous avons visité pour la première fois l’ancien site du monastère, pour moi, c’était clair : il y a quelque chose à faire ici ! Nous avons élaboré un concept pour l’utilisation du site et avons déposé notre dossier de candidature auprès de la ville. Dès que le bail a été signé, j’ai déménagé et depuis 2013, je vis sur le site même de « Kloster Posa ». Aujourd’hui, les nombreux bâtiments du site du monastère sont en partie occupés par notre association, en partie utilisés comme logements privés ou loués en tant qu’ateliers commerciaux ou artistiques. Le monastère de Posa allie ainsi vie, travail et rencontre.

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« Lorsque nous avons visité pour la première fois l’ancien site du monastère, pour moi, c’était clair : il y a quelque chose à faire ici ! »
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On pourrait décrire Kloster Posa comme un projet de « réanimation » du paysage culturel local de la ville de Zeitz et de ses alentours. Qu’est-ce qui a changé concrètement depuis que vous avez insufflé une nouvelle vie à l’ancien site du monastère ?

Tout d’abord, nous proposons régulièrement des évènements tels que des lectures ou des ateliers culturels ; nous organisons des ateliers d’éducation à l’environnement et nous tenons un stand sur le marché de Noël de Zeitz. Nous avons, d’une certaine façon, ouvert les portes du monastère de Posa à toutes les formes d’activités culturelles de loisirs. De plus, nous avons créé un lieu animé qui rayonne au niveau régional et suprarégional. Avant ce renouveau, de nombreux habitants de Zeitz avaient certes déjà entendu parler de Kloster Posa, mais sans n’y avoir jamais été. C’est ce que nous voulions changer. Au travers de nos actions nous avons fait passer le message : « Nous sommes ici, venez nous rencontrer et découvrir les lieux ! » Nous étions alors 10 jeunes issus de la grande ville – pas des hippies, certes, mais nous avions bien sûr un style différent de la plupart des habitants de Zeitz – et cela a attiré l’attention. Une impression que ça bouge là-bas... 

Votre objectif est également de créer des récits positifs sur la ville de Zeitz.

À l’époque, tout le monde était conscient du fait que la ville de Zeitz était en train de mourir. C’est à Leipzig que se trouve le siège de la chaîne de télévision régionale MDR [ndlr : Mitteldeutscher Rundfunk] ; si, pour un reportage, les journalistes avaient besoin d’un exemple typiquement négatif – une ville où tout va mal, des bâtiments inoccupés, le chômage, l’exode des jeunes, la dépression – ils venaient tous à Zeitz et y trouvaient tout ce dont ils avaient besoin. Si les citoyens lisent et entendent, toujours et encore, le même message dans les journaux ou les informations locales, tout au long de leur vie, ils finissent par y croire. Et quand tu restes toujours à Zeitz et que tu vois les maisons en piteux état, tu penses que c’est seulement ici que ça va mal et que partout ailleurs, à Leipzig et dans d’autres villes, tout va pour le mieux… mais c’est faux !

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Kloster Posa
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Le site du monastère et ses environs. | Crédit photo : Kloster Posa
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Quand tu décris les bâtiments inoccupés et délabrés, qui marquent jusqu’à aujourd’hui le paysage urbain de Zeitz, tu n’évoques aucun sentiment de « honte », mais tu en parles au contraire comme des « espaces où tout est possible ».

Alors que l’inoccupation des bâtiments était présentée publiquement de manière négative, nous sommes arrivés forts de notre expérience acquise à Leipzig et dans d’autres espaces urbains, et nous avons montré que cela peut être un réel atout. Ce sont précisément ces espaces libres qui constituent notre point de départ pour donner une autre identité à toute la région. Pour créer un développement de Zeitz sur le plan culturel à long terme et de manière durable, nous avons besoin de jeunes gens – qui vivent principalement à Leipzig, où les espaces libres se font rares. Alors pourquoi ne pas essayer de faire venir ces personnes jeunes ici ?

De nombreux habitants de Zeitz ont une vision plutôt sombre de leur ville. Comment peut-on changer cette vision ?

Notre plus grande tâche a été – et est toujours – de rallier ces personnes à notre vision. Notre souhait était pour ainsi dire d’obtenir à travers Kloster Posa une couverture médiatique positive. C’est surtout par le biais des médias sociaux et de nos réseaux à Leipzig que nous avons réussi à éveiller un certain intérêt pour la ville de Zeitz. Cela n’atteint certainement pas toutes les couches de la société, mais un public spécifique : des jeunes gens qui ont fait des études, des jeunes familles, qui font preuve d’une certaine ouverture d’esprit. Des personnes qui peuvent s’imaginer s’installer ailleurs et qui disent : « Allons voir ce qui se passe à Zeitz ! ». Cela a pris des années et il y a eu beaucoup d’échecs. Mais la hausse des loyers et la diminution du nombre de logements dans des villes comme Leipzig nous ont donné raison.

De 2014 à 2017, tu as travaillé dans le service de la culture et du tourisme de la ville de Zeitz, tout en continuant à t’engager pour le projet Kloster Posa. Qu’as-tu appris grâce à ce changement de perspective ?

Déjà lorsque notre groupe a commencé à donner vie au projet Kloster Posa, c’est principalement moi qui m’occupais des rendez-vous avec la mairie – et j’ai vite compris une chose : si nous voulons faire bouger les choses grâce à Kloster Posa, nous avons besoin du soutien de la municipalité. L’activité que j’ai assumée dans le domaine de la culture et du tourisme, dans les services de la ville de Zeitz, est arrivée de façon plutôt inattendue et a été, avec le recul, une excellente expérience qui m’a beaucoup appris. J’ai eu l’occasion d’apporter aux activités culturelles de la ville ma vision du monde culturel et mon penchant pour le développement urbain d’intérêt général. Je voulais que les évènements culturels incitent les visiteurs à réfléchir et non uniquement à consommer des saucisses grillées et de la bière ensemble. Particulièrement au début, c’était très utile d’avoir les deux casquettes, celles de Kloster Posa et de la ville de Zeitz. J’ai toujours été invité, j’ai pu nouer des contacts et clarifier certaines choses sans passer par la voie hiérarchique.

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Die organisierten kulturellen Veranstaltungen tragen zur Entwicklung der Stadt Zeitz bei.
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Les évènements culturels organisés contribuent au développement de la ville de Zeitz. | Crédit photo : Kloster Posa
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Nos analyses sur le district du Burgenland nous ont appris que la protection de la nature était perçue comme un thème important alors que beaucoup d'interlocuteurs ne s’identifiaient pas au thème de la protection du climat. Qu'est-ce que tu en penses ?

Ici, dans le district du Burgenland, ça n’est pas vraiment un thème facile. Le district du Burgenland a un paysage marqué par l’exploitation minière, et il est classé en outre comme une région de transition structurelle. Beaucoup de gens s’identifient au charbon, à leur travail et à la tradition des miniers et revendiquent aussi – légitimement – leurs droits. Si on leur dit : « à cause du changement climatique et parce que les émissions de CO ne sont pas une bonne chose, nous devons fermer votre centrale thermique au charbon », ça ne leur fait pas adopter une attitude positive vis-à-vis du changement climatique. Alors ils répliquent : « c’est ici que j’ai travaillé, gagné ma vie, nourri ma famille, et participé à la prospérité de la région. Ce que j’ai fait, c’était bien. Et tout d’un coup, tout cela n’aurait plus aucune valeur ? ».

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« Le district du Burgenland a un paysage marqué par l’exploitation minière, et il est classé en outre comme une région de transition structurelle. Beaucoup de gens s’identifient au charbon, à leur travail et à la tradition des miniers... »
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Les initiatives culturelles et artistiques peuvent-elles contribuer à changer cette perception du changement climatique ?

Les histoires de ces personnes sont et demeurent une partie importante de notre région ; elles ne doivent pas disparaître. Chaque journal, chaque musée, chaque livre se nourrit d’histoires authentiques. L’art et la culture sont un merveilleux moyen de valoriser ces personnes, de les impliquer et de les intéresser à d’autres sujets – en fait, on peut dire que c’est le moyen optimal ! Ceci dit, la culture c’est pour moi bien plus qu’un théâtre, une fête foraine ou un stand de saucisses grillées. En principe, la culture décrit de manière très complète de quelle façon les gens vivent, travaillent, se déplacent et sont en interaction les uns avec les autres.

À ton avis, de quelle façon les communes et les organisations de la société civile du district du Burgenland devraient-elles coopérer, pour relever les grands défis posés par la transition structurelle ?

Les faits parlent d’eux-mêmes : des mouvements comme Fridays for Future ont fait du changement climatique un sujet public. Ils ont fait en sorte que les médias s’emparent du sujet et ont obtenu que le monde de la politique sorte de son sommeil de belle au bois dormant. Cela ne veut pas dire que tout le monde trouve cela formidable – mais tout le monde en a déjà entendu parler, au moins une fois. Grâce au Forum pour l’avenir, j’ai rencontré des projets-phares qui m’ont ouvert encore un peu plus les yeux, je pense par exemple à l’expérience que la ville de Loos-en-Gohelle a partagée. Nous avons dans leur cas comme dans le nôtre, des acteurs au niveau local qui se sentent dépossédés de leur identité. Il s’agit de ne pas de licencier simplement ces personnes et de les laisser tomber, mais bien au contraire, de parler avec elles et de leur demander de partager leur expérience.

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« Ce que je trouve le plus passionnant dans le Forum, c’est qu’à chaque rencontre et à chaque séance de travail, nous évoluons dans un espace d’échange d’expériences. »
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Tu es membre de la « chambre de résonance », organisée par le Forum pour l’avenir franco-allemand. Comment perçois-tu le processus d’élaboration des recommandations politiques organisé par le « Forum » ?

Ce que je trouve le plus passionnant dans le « Forum », c’est qu’à chaque rencontre et à chaque séance de travail, nous évoluons dans un espace d’échange d’expériences. Lorsque tant de personnes différentes se rencontrent, fortes d’une grande expertise, et peuvent partager leurs expériences, on fait de réelles avancées. Je suis très reconnaissant d’en faire partie.

Qu’attends-tu des recommandations politiques qui seront remises aux gouvernements français et allemand ?

En ce qui concerne les recommandations politiques, mes attentes personnelles ne sont pas aussi élevées. Mon action se situe au niveau local – bien sûr, je reconnais l’importance de la politique fédérale et je suis un grand défenseur de l’UE, mais je me sens plus à l’aise près de la base. Le « Forum » et son formidable réseau me permettent d’agir à partir de la petite ville de Zeitz, de réfléchir à ma région et de participer de temps en temps à un échange d’expériences avec des experts venus de France, de Marbourg, de Berlin ou d’Autriche – j’en tire vraiment profit, ici, pour ma région. C’est fantastique !

 

Un grand merci Thomas, pour cet entretien passionnant et toutes les impressions que tu as partagées avec nous.

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À propos de Thomas

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En tant que membre du « Forum », Thomas Haberkorn représente l’initiative locale « Kloster Posa » (Monastère de Posa), une association qu’il a fondée en 2013 avec neuf compagnons de route. Son objectif est d’insuffler une nouvelle vie à l’ancien site du monastère de Zeitz et de le transformer en un lieu d’habitation et de culture. Outre son engagement dans la vie culturelle de Zeitz, Thomas Haberkorn est depuis 2022 responsable de la protection du climat dans la ville de Teuchern, où il se consacrera entre autres à l’élaboration d’un plan de protection climatique.