Renforcer le caractère obligatoire d’une infrastructure verte de qualité
Les multiples services écosystémiques rendus par les infrastructures vertes (biodiversité, sensibilité à l’eau et résilience face à la chaleur, qualité de vie) sont scientifiquement démontrés (voir section Expériences et Inspirations ci-dessous). C’est pourquoi il importe d’aménager durablement ces espaces, tant sur des terrains publics que privés, selon une approche non seulement quantitative mais également qualitative.
Développer la nature en ville : Quantité – Qualité – Accessibilité – Connectivité
Renaturer ainsi que mettre en valeur les espaces verts existants ne peut être une action limitée aux seuls milieux urbains denses. Il importe également de protéger de manière ciblée les espaces de nature en périphérie des villes, sur lesquels la pression d’utilisation se concentre de plus en plus, par manque d’alternatives dans les centres urbains. Promouvoir la justice environnementale – en améliorant l’accessibilité rapide notamment dans les quartiers mal desservis et socialement défavorisés, ainsi que renforcer la biodiversité, par exemple en connectant les itinéraires écologiques en « réseaux verts », constituent des critères essentiels pour une infrastructure verte de qualité.
Les villes et les communes font face à de multiples impératifs. Parmi ceux-ci, le besoin de créer des logements ou des zones d’activités génératrices de ressources fiscales a pour fréquent corollaire de laisser au second plan les espaces de nature, entraînant un sous-développement, voire une disparition des espaces verts.
Le Forum pour l’avenir franco-allemand recommande donc à l’Allemagne et la France d’engager les collectivités territoriales dans un cercle vertueux, plus propice à l’entretien et au développement d’infrastructures vertes. Un cadre réglementaire approprié doit revêtir un caractère obligatoire et doit ouvrir la voie à l’allocation de budgets dédiés au sein des administrations locales.
L’affirmation d’objectifs et l’introduction des normes correctement calibrées en matière de végétalisation par les gouvernements allemand et français contribueront à guider et soutenir des collectivités locales soucieuses d’éviter un phénomène d’urbanisation continue. Une meilleure planification du verdissement, adaptée aux contraintes du terrain, doit s’appuyer sur des analyses rendant compte de l’existant dans tout le territoire étudié. La mise à disposition de telles données accélère la mise en œuvre et favorise une plus grande prise de conscience des bénéfices générés par les espaces de nature.
Mot clé : Infrastructure verte
« L’infrastructure verte est le pendant de l’infrastructure grise et technique. Elle englobe les espaces naturels comme des marais ou des lacs intacts, des zones semi-naturelles telles que des prairies alluviales, des forêts et des parcs en ville, […]. Son objectif est de préserver la biodiversité via un réseau de surfaces perméables, couplé à celui de garantir un environnement agréable à vivre à la population. » [traduction Forum pour l’avenir franco-allemand, Agence fédérale allemande de l’environnement, UBA]
Des objectifs quantitatifs et qualitatifs de nature en ville devraient être définis par la loi pour les espaces privés et publics. Ces objectifs, visant à développer, pérenniser ces espaces et en valoriser la qualité, devraient s’imposer aux intercommunalités en France et aux communes en Allemagne. Face aux catastrophes climatiques et aux températures hors norme de plus en plus fréquentes dans l’Union européenne, la définition d’objectifs territorialisés relèvera le niveau d’ambition des deux pays, dans la droite ligne du Règlement Européen relatif à la restauration de la nature, en cours d’adoption. Il ne s’agit nullement pour autant de bâtir une architecture d’objectifs complexe, mais plutôt de se concentrer sur un petit nombre d'indicateurs pertinents, plus à même de rendre tangible les objectifs de durabilité : par exemple la superficie de sols non imperméabilisés pour permettre aux arbres de raciner en profondeur, la portée de l’infrastructure verte totale et les proportions de celle conservée à l'état naturel, le taux de couverture de la canopée, la distance des habitations aux espaces verts en ville les plus proches.
En France, les PLU et PLUi (Plan Local D’Urbanisme Intercommunal) sont des outils efficaces et juridiquement opposables pour mettre en œuvre les objectifs « verts » sur les espaces privés : compléments au niveau du code de l’urbanisme, hiérarchie des aménagements à la place des stationnements, quotas de pleine terre végétalisée – ce champ d’application devrait être étendu aux espaces publics. En Allemagne, l'État fédéral et les Länder sont invités à définir des objectifs de développement des espaces de nature à caractère obligatoire au sein des codes de construction propres ou communs aux Länder, ou encore à fixer un « coefficient vert » (pour en savoir plus, voir ci-dessous) dans le code de construction des municipalités.
Paris introduira en 2024 un quota de pleine terre relatif à la taille des terrains.
Vous trouverez plus d'informations de fond dans la rubrique « Expériences et Inspirations » ci-dessous, par exemple ce qui se cache derrière les indicateurs d'orientation du Masterplan StadtNatur (français : Plan Directeur Espace de Nature en Ville) allemand.
Les initiatives de villes ambitieuses montrent l’utilité de réaliser un état des lieux en partant d’un inventaire localisé et précis des zones urbaines végétalisées pour déterminer les potentiels de renaturation. Les deux gouvernements nationaux et les Régions devraient imposer la réalisation de tels inventaires à l’échelle des villes et métropoles, qui sont la base d’une planification verte harmonisée avec les projets d’aménagement locaux et permettent d’identifier des solutions concrètes et de réalisation rapide. À ce titre, un objectif plus particulier préconisé par le Forum pour l’avenir est de faire progresser les mesures visant les quartiers au sein desquels les aménagements verts manquent ou sont de faible qualité.
Ces inventaires sont un point de départ incontournable pour qui veut préserver et planifier l’infrastructure verte et harmoniser les processus de transformation en cours. Ces informations aident les collectivités à mieux identifier les potentiels en la matière et constituent des piliers stratégiques des actions municipales. Les inventaires d’espèces climato-résilientes complètent les analyses de l’existant et donnent aux administrations municipales les connaissances nécessaires à la mise en œuvre de stratégies de plantation et d’entretien adaptées et basées sur les conditions locales. Afin de compenser les délais de construction de centres de soutien partout sur le territoire (voir propositions plus bas), les petites communes doivent (a minima) être mises en capacité d’élaborer un schéma directeur simplifié de la nature en ville. Les métropoles et les grandes villes devraient avoir la possibilité d'établir ou d'approfondir leurs analyses de l’existant en fonction des quartiers.
C’est ainsi que « l’Observatoire urbain de Lyon » aide l’administration municipale à identifier, à l’appui d’une analyse à maille fine, les zones en manque d’espaces de nature, mais aussi les sites de renaturation potentiels – de toutes petites surfaces de zones encore imperméabilisées jusqu’à la « densification verte » des espaces de nature existants.
Imposer un caractère obligatoire à l’infrastructure verte revient à en faire une priorité de l’action municipale. Afin que toutes les communes puissent assurer le développement et l’entretien de l’infrastructure verte, les gouvernements français et allemands devraient leur apporter des ressources financières et humaines suffisantes et pérennes. Depuis avril 2023, les collectivités françaises peuvent, via le « Fonds vert pour le climat », déposer des demandes de subvention pour des projets de verdissement. Afin de rééquilibrer les tendances à la construction souvent motivées par les raisons financières des administrations municipales, une « dotation biodiversité » pourrait être incluse dans les Contrats de Plan État-Régions.
À Lyon comme à Munich, planter un arbre et l’entretenir de manière adaptée à la sécheresse croissante coûte aujourd'hui entre 300 et 500 euros les premières années. Comme les sites faciles à végétaliser se font de plus en plus rares, les charges s’accroissent progressivement, liées à la désimperméabilisation et au déplacement des canalisations nécessaires sur les sites moins faciles à traiter.
Plus d'informations dans l'article « Odyssée pour un frêne » dans la rubrique Expériences et Inspirations ci-dessous.
En vue de permettre aux municipalités en Allemagne et en France de faire face à l’obligation proposée plus haut, les deux pays devraient mettre à disposition des communes un accompagnement technique régionalisé ainsi qu'une aide organisationnelle (guides, mutualisation de données SIG, ...), en Allemagne à travers les Länder, en France à travers des institutions gouvernementales régionales (p.ex. les directions régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement - DREAL). En Allemagne, le Forum pour l’avenir recommande de tirer le meilleur profit de l'opportunité offerte par la loi fédérale sur l'adaptation au changement climatique adoptée par le cabinet. Celle-ci prévoit dans le futur d’une part d’établir des schémas directeurs (Konzept) visant l’adaptation aux changements climatiques pour les municipalités, et impose d’autre part aux Länder de mener des analyses de l’existant ainsi que d’élaborer des scénarios d’évolution. Ces derniers sont à bâtir en s’appuyant sur le traitement de données climatiques régionales et sur des analyses des risques climatiques. Les Länder doivent donc mettre en place la collecte de données complémentaires, notamment celles relatives à la nature en ville n’ayant pas nécessairement d’impact climatique (comme p.ex. l’accessibilité rapide des espaces de nature depuis toute habitation).
Les « atlas de la biodiversité communale » français, le Club PLUi (Plan Local d'urbanisme intercommunal), et le programme allemand KOM.EMS (outil pour l'introduction de systèmes de gestion de l'énergie dans les communes) peuvent servir de modèles pour mettre à disposition un ensemble d'informations spécialisées et favoriser l’accès à des formations continues et des outils dédiés aux enjeux de renaturation des villes. L'atlas climatique de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie fournit déjà des données d'imperméabilisation de manière détaillée pour son territoire.
Expériences et Inspirations
L’analyse du potentiel solaire de Marbourg détermine les surfaces appropriées pour les centrales photovoltaïques au sol en prenant en compte des critères urbanistiques, environnementaux et agricoles.
De plus, elle établit des lignes directrices pour que les quartiers puissent bénéficier d’un partage de la valeur créée et concernant l’utilisation de ces retombées économiques par les conseils de quartier.
En clarifiant une fois pour toutes l'adéquation des sites, les procédures de planification peuvent être réduites à environ 1,5 an. Vous trouverez ici un schéma détaillé des différentes étapes de la planification dans notre présentation graphique.
Vision:En 2040 est un format de participation citoyenne innovant conçu pour accroître l’adhésion aux énergies renouvelables grâce à des ateliers interactifs et ludiques.
L'objectif est de renforcer la compréhension du rôle de chacun dans la transition énergétique (citoyens, politiques, administrations, associations et initiatives), et de soutenir les collectivités locales dans la mise en œuvre participative du déploiement des énergies renouvelables dans les territoires.
Pour ce faire, ce format intègre un outil cartographique numérique et interactif, permettant aux participants, organisés en petits groupes, de simuler le placement des installations EnR dans leur commune. L’interface permet d’afficher le rendement énergétique calculé par rapport aux besoins énergétiques de la commune. Les visualisations réalisées par les groupes servent de base à une discussion collective sur le choix optimal des zones.
Le « Portail cartographique des énergies renouvelables » développé par le Cerema est une plateforme interactive qui propose plusieurs strates cartographiques comportant des informations sur les énergies renouvelables.
Les utilisateurs ont la possibilité de sélectionner et de combiner ces différentes strates selon leurs besoins. Ce portail sert non seulement d'outil ludique pour les citoyens afin de se familiariser avec le sujet, il constitue également un précieux support pour les administrations dans le choix des zones d'implantation.
En centralisant toutes les informations pertinentes au sein d’un même outil, il facilite la prise de décision en matière de planification et améliore la communication tant avec les instances supérieures qu’avec les citoyens sur l’ensemble du territoire. Les zones d'accélération y sont également intégrées et présentées de manière simple et accessible.