Rehausser l’ambition de la planification territoriale des énergies renouvelables
En pratique, cela se révèle souvent difficile, notamment pour l’éolien. Les conflits avec la protection de la nature et du patrimoine, ainsi que les impacts paysagers, suscitent des oppositions de la part des citoyens et des responsables politiques. De plus, le choix des sites est un processus complexe qui exige un engagement conséquent de la part des élus locaux. Afin de leur faciliter la tâche, il est essentiel de fixer des objectifs clairs et de mettre en place des mécanismes de territorialisation efficaces.
En bref
- Des objectifs de développement photovoltaïque et éolien plus ambitieux sont indispensables. Cela implique de mettre à disposition les surfaces nécessaires.
- L’attribution des surfaces doit être réalisée de manière intégrée pour toutes les sources d’énergie, en impliquant les populations locales à l’aide d’outils de dialogue.
- À l’instar du modèle allemand, fixer en France des objectifs de puissance contraignants et territorialisés au niveau intercommunal tout en supprimant les contraintes de planification le long des voies ferrées et autoroutes permettrait de réduire considérablement la charge des communes et d'accélérer la transition.
92 hectares pour la neutralité climatique : la Ville de Marbourg vise la neutralité climatique d'ici 2030. Pour y parvenir, elle devra consacrer environ 1 % de son territoire à des centrales photovoltaïques au sol, même en ayant mobilisé toutes les toitures disponibles. La Ville a reconnu la nécessité d’établir un cadre clair pour garantir une mise à disposition rapide et efficace des surfaces nécessaires.
En effet, chaque projet exige une révision du plan d'utilisation des sols (Flächennutzungsplan) et l'élaboration d'un plan de développement (Bebauungsplan). La base de ces démarches est l’analyse du potentiel solaire, réalisée en 2022 par le département de l'urbanisme et de la protection du patrimoine de la Ville de Marbourg. Celle-ci démontre que 10 % des surfaces urbaines sont adaptées et les désigne comme des zones potentielles. Cette analyse établit ainsi un cadre de répartition précis des surfaces photovoltaïques pour les propriétaires fonciers, les promoteurs, l’administration et les citoyens, tout en réduisant le risque d'échecs.
Les résultats sont déjà visibles : depuis 2022, des plans de développement d’une superficie totale de 23,5 ha sur les 92 ha nécessaires ont été approuvés par la Ville. L'exemple de Marbourg montre que la définition d'un objectif clair, associée à une attribution précise des surfaces, crée de la transparence pour tous les acteurs impliqués et accélère le développement des projets.
Depuis 2023, les collectivités françaises doivent définir des zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAEnR). En raison de la complexité du processus ascendant de concertation avec les régions, du renouvellement régulier des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de l’absence de garanties d’admissibilité pour les promoteurs, ce mécanisme ne parvient pas à offrir un cadre clair aux communes. Il en résulte un manque de fiabilité et d’efficacité pour accélérer le développement des énergies renouvelables.
Pour renforcer la clarté et la prévisibilité du déploiement des énergies renouvelables, le gouvernement fédéral allemand a adopté deux réformes majeures du droit de la planification. Premièrement, des quotas contraignants de surfaces dédiées à l’éolien ont été imposés aux Länder, avec obligation de les décliner dans les documents de planification des niveaux inférieurs. Deuxièmement, l’exigence de planification communale pour les centrales photovoltaïques situées le long des voies ferrées et des autoroutes a été supprimée. Ces mesures assurent une répartition équitable des surfaces, simplifient la planification et accélèrent ainsi le développement des EnR.
Nos propositions d'action
Le gouvernement français devrait fixer dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie des objectifs régionaux ambitieux pour le développement de l’éolien et du photovoltaïque et assurer leur territorialisation par le biais de quotas de puissance installée contraignants au niveau des intercommunalités.
La loi allemande WindBG, qui impose des quotas de surface contraignants pour les Länder (entre 0,50 % et 2,2 %), pourrait inspirer ce modèle. Agrégés au niveau national, ces quotas permettent d’atteindre l’objectif de 160 GW pour 2040 et sont territorialisés au niveau intercommunal. Cependant, à la différence du modèle allemand, cette approche devrait reposer sur des quotas de puissance installée plutôt que de surface, afin d'éviter une utilisation excessive et non nécessaire des sols. Pour permettre une optimisation régionale, les différentes EnR devraient être planifiées conjointement, comme c’est par ailleurs déjà le cas avec les zones d'accélération (ZAEnR). Comme en Allemagne, et à la différence des ZAEnR, le zonage qui découle de ces quotas de puissance devrait offrir aux porteurs de projets des garanties juridiques sur l'admissibilité des projets.
Cependant, des contraintes locales, telles que l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), pourraient entrer en contradiction avec ces objectifs. Il est donc crucial d'harmoniser l'échelle d'application de ces dispositifs et de trouver des solutions aux conflits d’objectifs et d’usages.
En rendant obligatoire l'équipement des parkings de plus de 1 500 m² avec des ombrières solaires, le gouvernement français a franchi une étape décisive dans l’exploitation des surfaces déjà artificialisées. Pour intensifier et accélérer le déploiement du photovoltaïque, le gouvernement devrait désigner des zones spécifiques où les centrales PV au sol sont systématiquement autorisées par la commune, sauf en cas d'intérêt public contraire.
En Allemagne, les centrales PV au sol situées le long des voies ferrées et des autoroutes sur une bande de 200 mètres ne nécessitent plus d'adaptations du plan d’utilisation des sols ou d’élaboration de plans de développement pour être autorisées. Les communes doivent simplement les approuver, ce qui accélère le développement et réduit la charge administrative. Le gouvernement français devrait adopter une approche similaire en désignant des zones prioritaires automatiquement disponibles pour le développement photovoltaïque, sans exigence d’adaptations du Plan local d’urbanisme (PLU) ou d’admission communale.
Le déploiement des énergies renouvelables devient de plus en plus visible dans l'environnement immédiat de la population. Malgré une adhésion générale élevée à la transition énergétique, celle-ci peut générer des résistances locales. La définition des zones d’accélération (ZAEnR) en collaboration avec les parties prenantes du territoire est donc pertinente. Pour promouvoir une meilleure compréhension du choix des sites, les gouvernements des deux pays devraient mettre en place des formats de participation et d'information aisément accessibles sur l’ensemble du territoire.
Ces formats devraient faciliter l'implication précoce des citoyens et leur offrir la possibilité de mieux participer aux choix des sites. Un outil de dialogue pouvant servir d’exemple a été développé et appliqué dans le cadre du projet Vision:En 2040 en Basse-Saxe. Les gouvernements devraient promouvoir le développement de ce type d’outils de dialogue numériques, leur déploiement dans les territoires ainsi que leur intégration aux procédures de concertation obligatoires prévues par la loi.
Un outil de dialogue numérique pour un choix participatif du zonage, développé en Basse-Saxe.
Dans le cadre du concept de concertation citoyenne Vision:En 2040, un consortium réunissant des chercheurs, une entreprise informatique et l'Agence de l'énergie de Basse-Saxe a développé un outil de dialogue numérique permettant aux citoyens et aux élus de sélectionner eux-mêmes les zones de développement de manière ludique. L’outil permet ainsi de visualiser quel pourcentage des besoins locaux en électricité pourrait être couvert par la production sur ces zones.
Le Forum pour l’avenir recommande au gouvernement allemand de promouvoir le développement ambitieux des énergies renouvelables au niveau régional, en veillant à une mise en œuvre intégrée et durable, grâce à la planification existante. À cette fin, les Länder devraient être tenus d'intégrer systématiquement les installations solaires dans les plans régionaux, en tenant compte des autres sources d’énergie et de la disponibilité des réseaux. Il est également conseillé de donner la priorité aux objectifs de puissance plutôt qu’aux objectifs de surface afin de garantir une utilisation sobre des surfaces.